Luc 2, 22-35

« Laisse ton serviteur s’en aller »

Saint Aelred de Rievaulx

Sermons pour l’année 4, Pain de Cîteaux 23, p. 70s

 

          Ils le savent bien ceux qui aiment, ils le savent ceux qui désirent, ils le savent ceux qui goûtent combien le Verbe est doux. Le bienheureux Syméon l’a certainement su, voilà pourquoi il a cherché. Il a cherché sur le petit lit, c’est-à-dire dans le repos de l’oraison ; il a cherché dans la ville, c’est-à-dire en conférant et en discutant avec des gens de bien à propos de la venue du Christ ; il a cherché par les rues et sur les places, c’est-à-dire en recherchant la trace du Créateur dans la création ; il a cherché auprès des veilleurs, c’est-à-dire en interrogeant à son sujet les docteurs et de la Loi et les scribes. Et il vint au Temple, dans l’Esprit. Toi aussi, si tu as cherché sur le petit lit, je veux dire sur le lit de ton repos, en lisant, en priant ou en méditant ; si tu as également cherché dans la ville, je veux dire si, en étant parmi d’autres, tu as interrogé, conféré, discuté ; si tu l’as aussi cherché dans les rues et sur les places, à savoir en tirant profit des paroles et des exemples d’autrui ; et si tu l’as cherché auprès des veilleurs, c’est-à-dire en écoutant ceux qui ont atteint la perfection, tu viendras un jour au Temple, dans l’Esprit.

          Lors donc qu’une âme, purifiée des souillures des vices, conçoit en elle la douceur à partir de l’amour d’un élan affectif, l’amour à partir de la douceur, le désir à partir de l’amour ; si, ayant fait taire en elle tous les autres sentiments d’affection et d’amour, elle n’est affectée par absolument aucun désir des choses temporelles, ni ballotée par aucun va-et-vient des pensées, mais absorbée comme dans un abîme par un certain élan d’affection pour mon Seigneur Jésus, si elle adhère à lui par un lien de doux et pieux amour, au point de ne vouloir penser à rien en dehors de lui, à rien excepté à lui, alors assurément que cette âme ainsi affectée ose se croire étreinte par Celui qu’elle aura senti avoir étreint, et qu’elle s’écrie avec assurance : J’ai trouvé celui qu’aime mon âme. Puissions-nous mériter d’obtenir également ce qui suit : Je l’ai tenu et ne le laisserait pas s’en aller. Saint Syméon l’a mérité lui qui a dit : Maintenant, Seigneur, laisse s’en aller ton serviteur dans la paix. Il a voulu qu’on le laisse aller, il n’a pas voulu s’en aller. Il a voulu qu’on le laisse aller loin des liens de la chair pour retenir plus fortement, par les étreintes du cœur, Jésus-Christ notre Seigneur, à qui soit l’honneur et la gloire pour les siècles des siècles. Amen.