Isaïe 42,1-8 + 49,1-9

Mission expiatoire

Anne-Marie Pelletier

Le livre d’Isaïe, p. 120s

 

          Le serviteur commence par s’adresser aux îles ; sa parole est donc destinée à rejoindre les peuples les plus lointains. Il se déclare prédestiné, dès le sein maternel, pour accomplir un plan par lequel celui-ci se glorifiera. Cette vocation, fixée avant la naissance, évoque incontestablement un destin de prophète tel celui décrit par Jérémie. Cependant, le personnage dépasse ce qui revient ordinairement à un prophète : lui sait parler d’une parole comparée ici à une épée tranchante. Le détail n’est pas sans rappeler d’ailleurs ce qui est dit auparavant à propos du rejeton de la souche de Jessé exerçant également une fonction de jugement, puisqu’il était dit que sa parole est le bâton qui frappe le violent, et que le souffle de ses lèvres fait mourir le méchant. Il est encore précisé que, caché dans l’ombre de la main divine, le serviteur est réservé pour l’heure que Dieu a choisie.

          Or voilà que, étrangement, cet élu, flèche aiguisée dans le carquois de Dieu, décrit sa mission en évoquant fatigue et découragement. Il se voit comme un travailleur qui a œuvré en vain. Plus étrangement encore, il apparaît comme un être souffrant et humilié, comme un juste méconnu de tous, hormis de Dieu. Cette affirmation culmine au verset 7. Il y est dit que celui dont la personne est méprisée est aussi en abomination à une nation, dont l’identité reste en suspens. Le mot est habituellement au pluriel, servant à désigner les païens ; ici, il figure au singulier. Désignerait-il Israël qui se retrouve, face au serviteur, dans l’attitude des païens, ceux-ci étant à leur tour désignés par le mot de tyrans ?

          En dépit de ces éléments que connotent l’échec et l’humiliation, force est de constater que d’autres expriment résolument une réussite du serviteur : non seulement il ramènera Jacob et rassemblera Israël, mais selon des expressions reprises du premier oracle, il sera lumière des nations en même temps qu’alliance du peuple. Ainsi de façon très étonnante, dans un seul verset, sont évoqués le plus extrême de l’abaissement du serviteur et le spectacle de l’hommage qui viendront lui rendre rois et princes, se prosternant devant lui.