Genèse 4, 1-24

Caïn et Abel, le Christ et Judas

Saint Augustin

Sermon sur la quatrième férie, OC 22, p. 284s

 

          Dans ce sang versé du juste innocent, cet Abel tué par son frère, tout crie ! En effet, l’histoire de la Passion du Christ et de la trahison de Judas nous est donnée en figure dans l’histoire de ces deux frères, Caïn et Abel, lorsque le frère aîné tue son frère le plus jeune : l’innocence fut la victime de la jalousie et la pitié de la scélératesse.

          Dieu interroge Caïn, comme s’il ne savait pas, comme s’il eût ignoré ce que Caïn avait fait de son frère ; Dieu lui demande : Où est ton frère Abel ? Celui qui parle n’ignore rien, mais il met le crime sous les yeux du coupable pour l’avertir et le rendre inexcusable s’il ne veut pas se repentir de son crime. Où est ton frère Abel ? Mais Caïn, devient plus endurci encore, plus obstiné dans son crime, dépravé dans son âme, quand Dieu lui demande : Où est ton frère ? Que dis-tu, Caïn, à qui dis-tu : Je n’en sais rien ? Tu parles à celui qui voit tout de ses yeux. Quelle est cette parole : Est-ce que je suis le gardien de mon frère ? Ton crime n’a laissé dans ton cœur aucune crainte de Dieu ? Et le Seigneur te dit : Qu’as-tu fait ? La voix du sang de ton frère crie de la terre jusqu’à moi. Et maintenant, dit le Seigneur, tu seras maudit sur la terre. Ce n’est pas la terre qui sera maudite, mais toi-même tu seras maudit sur cette terre, cette terre qui a bu le sang de ton frère.

          Ô terre, reconnais que tu es arrosée par le sang du juste, confonds le coupable qui nie. Faisons comparaître Judas. Oui, que le Seigneur appelle Judas et qu’il lui demande : Judas, où est le Christ, ton frère ? Oseras-tu dire que le Christ ne fut pas ton frère ? Que le Seigneur lui-même nous dise qu’il fut ton frère ; que dit-il ? Il parlait de tous quand il disait à son Père : J’annoncerai ton nom à mes frères. Tu vois donc, Judas, que le Christ fut ton frère. Répons, oui, répons, parle, continue, dis comme l’autre : Suis-je le gardien de mon frère ? Non, tu n’es pas son gardien puisque tu l’as trahi et vendu ! Doit-il te répondre aussi : La voix du sang de ton frère crie de la terre jusqu’à moi ? Vois donc, terre, comment reçois-tu le sang du Christ ? Et toi qui es baptisé, comment reçois-tu le sang du Christ : si tu le reçois avec révérence, tes péchés te seront remis.