Genèse 11, 1-26

La liturgie dans la vie monastique

Un moine bénédictin

Le mystère monastique, p. 33s

 

           Pourquoi la liturgie tient-elle une si grande place dans la vie monastique ? C’est qu’elle est pour lui le moyen éminent de sanctification et la réalisation de ce à quoi il tend. Elle est donc, pour lui, sa respiration même, c’est-à-dire le culte rendu à la transcendance de Dieu. Ceci implique, bien sûr, que l’acte cultuel possède en lui-même une fin objective et non pas seulement une fin qui serait uniquement pour nous. Aussi, peu à peu, au cours de sa vie liturgique, le moine apprend-il à rejoindre Dieu, à participer à Lui et à réaliser qu’il y a, d’une certaine façon, en Dieu, un culte trinitaire qui n’est pas autre chose que l’épanouissement de Dieu en Dieu même, par les processions du Verbe et de l’Esprit-Saint, processions qui sont constitutives de Dieu. Le Verbe, en tant que Gloire du Père, est vraiment le culte ontologique, substantiel, subsistant ; il est donc le cœur du mouvement cultuel, de toute la liturgie, de la liturgie céleste comme de la liturgie terrestre, et il est avec son Eglise, à laquelle il s’est uni sur la croix, l’unique liturgie. C’est pourquoi le but du moine n’est pas dans sa sanctification personnelle ou dans la conquête des âmes ; il se situe au-delà, dans un but qui comprend éminemment ces deux fins déjà très élevées : il consiste à vivre de Dieu, à vivre Dieu.

          Le monachisme n’est donc pas autre chose qu’une recherche de Dieu dans et par la solitude. C’est pour trouver une solitude pour Dieu que les premiers ascètes ont quitté les premières communautés chrétiennes ; ou encore, c’est un effort pour chercher Dieu par un dépassement des médiations éloignées pour ne retenir que les plus prochaines, les plus absolues.

          Le dépassement du monde, c’est-à-dire le but de la séparation du monde, demande à être bien compris afin d’éviter toute méprise. Il n’est qu’une forme de réalisation du passage du monde, le monde, au signifié, Dieu, d’où le rejet des moyens les plus éloignés d’aller à Dieu pour ne laisser subsister que les plus prochains. Ces ruptures avec certaines valeurs légitimes, ou mieux ces dépassements, sont les fruits, les signes de l’amour. Une telle situation par rapport à Dieu ne peut pas ne pas être un témoignage de la primauté de Dieu : à Dieu seul.