Genèse 27, 30-45

La bénédiction donnée à Esaü

Saint Hilaire de Poitiers

Traité des Mystères, SC 19bis, p. 118s

 

          Avec bien des gémissements et des larmes, Esaü suppliait son père Jacob de le bénir, Jacob lui dit : Loin des grasses terres et de la rosée du ciel sera ta demeure ; tu vivras de ton épée, et tu serviras ton frère.

          D’où vient donc cette conversion de la part de Jacob ? Pourquoi l’affection de cet homme pour son fils aîné se dément-elle, sinon pour l’accomplissement des événements présents en vue de l’attente de l’espérance ? La méfiance de Jacob envers Esaü, qui lui demandait sa bénédiction, tenait à l’affection du père, au refus de changer la bénédiction à la connaissance de l’esprit. Là, Jacob accomplit une œuvre naturelle ; ici, il observa l’ordonnance de la préfigure ; là, le père est préoccupé de la sanctification de son fils ; ici, poussé par l’esprit prophétique, il confirme la bénédiction du peuple cadet.

          L’histoire raconte l’événement présent et son ordonnance laisse place à l’espérance préfigurée. Mais la démarche prophétique ne s’en tint pas là, chez lui ; le peuple pécheur et aîné pouvait espérer sa part de la bénédiction du peuple cadet, s’il accédait à la Foi. La porte du salut est ouverte à tous, et ce ne sont pas ses propres difficultés, qui, assurément n’existent pas, qui rendent pénible le chemin de la vie, mais l’usage de notre volonté. Car le retard à obtenir les effets de la miséricorde divine tient à la volonté humaine, ce que nous font comprendre les paroles adressées à Esaü. Celui-ci, en effet, avait demandé à être béni. Mais son père, poussé par l’esprit, l’abandonna au monde, lui concéda le droit d’user de l’épée, et l’attacha au service de son frère. Toutefois, pour que l’effet de ces décisions ne fût pas éternel et n’exclut pas tout repentir, il reporta l’effet de la bénédiction qu’il demandait au temps où il aurait enlevé de son cou le joug de son frère qui devait dominer sur lui. Il est laissé maître de déposer ce joug, car chacun dispose librement de sa propre volonté dans l’accès à la Foi : il sera digne de la bénédiction lorsqu’il aura passé de la servitude de l’impiété à la liberté de la Foi.