Genèse 27, 1-29

Jacob surprend la bénédiction d’Isaac

Saint Hilaire de Poitiers

Traité des Mystères, SC 19bis, p. 113s

          Isaac avait la vue faible ; selon la coutume, il avertit Esaü de lui préparer un plat des produits de sa chasse et de venir recevoir sa bénédiction avant sa mort. Rébecca, l’ayant appris, exhorte Jacob à préparer promptement à son père un plat avec deux chevreaux et à revêtir la robe d’Esaü ; parce qu’elles sont lisses, elle donne à ses mains et à sa nuque, en y liant la peau des chevreaux une apparence trompeuse. Par ce stratagème, il prévint la bénédiction qui avait été préparée à Esaü.

          L’événement comporte ses effets présents pour Esaü et pour Jacob, mais la préfigure spirituelle garde sa place. Poussé par les désirs du corps, l’aîné avait vendu son droit d’aînesse, car il désespérait des honneurs de son droit d’aînesse futur, à cause de sa cupidité des biens présents, tandis que le cadet l’acheta au pris d’un renoncement aux biens présents. Les événements spirituels de l’ordre futur ne succèdent-ils pas à ceux qui se sont passés corporellement ? Les infidèles pensent que le bien suprême réside dans le plaisir, et le premier peuple perdit l’honneur de la résurrection par l’effet des désirs de la chair ; les croyants, au contraire, renoncent aux joies présentes et placent toute leur espérance dans les joies de la vie future ; en pratiquant à cause de cette espérance la continence du cœur et du corps, ils préviennent les biens destinés à l’aîné.          Jacob, en effet, revêt la robe d’Esaü qui, selon l’exégèse ordinaire, représente le vêtement de l’immortalité même dans l’évangile, où le frère cadet, lui qui a dilapidé le patrimoine paternel qu’on lui avait donné, a reçu la robe de l’aîné. Et parce qu’il devait passer du péché à l’éclat de l’innocence, Jacob se revêt de la peau des chevreaux, voulant imiter réellement l’extérieur de son frère. Mais, parce que, de pécheur qu’il était, il devait recevoir la dignité de la bénédiction dont il s’emparait, il prend la figure du pécheur sous la peau des bêtes mortes.