2 Corinthiens 6,1 – 7,1

La paix du cœur

Saint Bède le Vénérable

Homélie 11 pour la Vigile de la Pentecôte, PL 94, col. 196-197

 

          L’Esprit-Saint donne aux justes la paix parfaite, non seulement dans l’éternité, mais il leur donne déjà dès maintenant une paix très grande lorsque leur cœur brûle d’un feu céleste : la charité. L’apôtre dit en effet : l’espérance ne trompe pas, car l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit-Saint qui nous a été donné.

            La véritable, la seule paix des âmes en ce monde, c’est d’être rempli de l’amour divin et animé de l’espérance du ciel, de considérer comme peu de choses les succès ou les revers de ce monde, c’est de se dépouiller complètement des désirs terrestres, de renoncer aux convoitises du siècle et de se réjouir des injures, comme des persécutions subies pour le Christ, de sorte que l’on puisse dire avec l’apôtre : Nous mettons notre fierté dans l’espérance de la gloire des fils de Dieu. Plus encore : nous mettons notre fierté dans les épreuves. Il se trompe celui qui se figure pouvoir trouver la paix dans les jouissances des biens de ce monde et dans la richesse. Les troubles fréquents d’ici-bas et la fin de ce monde devraient convaincre cet homme qu’il a posé les fondations de sa paix sur le sable.

            Au contraire, tous ceux qui sont touchés par le souffle de l’Esprit ont pris sur eux le joug très bon de l’amour de Dieu, et qui, à son exemple, ont appris à être doux et humbles de cœur, jouissent dès maintenant d’une paix qui est à l’image du repos futur. Séparés du plus profond d’eux-mêmes de l’agitation des hommes de ce monde, ils ont la joie de se rappeler partout le visage de leur Créateur, et ils ont soif d’atteindre à sa contemplation parfaite, disant avec l’apôtre Jean : Nous savons que lorsqu’il apparaîtra nous lui serons semblables, parce que nous le verrons tel qu’il est.

            Si nous désirons parvenir à la récompense de cette vision, il nous faut avoir sans cesse en mémoire le saint Evangile, et nous montrer insensibles aux attraits du monde ; ainsi nous deviendrons dignes de recevoir la grâce de l’Esprit que le monde est incapable d’accueillir. Aimons le Christ, et observons avec persévérance ses commandements que nous avons commencé de suivre. Nous en tirerons  cette juste récompense que plus nous l’aimerons, plus nous mériterons d’être aimés par le Père ; et lui-même nous accordera dans l’éternité, la grâce de son immense amour. Car, maintenant, en nous aimant, il nous donne que, croyant en lui, nous l’espérons ; mais alors, nous le verrons face à face, et il se manifestera à nous dans l’éclat de la gloire qu’il avait déjà auprès de son Père avant que le monde fût, lui qui, étant Dieu, vit dans l’unité de l’Esprit.