Galates 1,15 – 2,10

Les années obscures

Daniel Marguerat

Paul de Tarse, p. 54s

 

           Qu’a fait Paul après Damas ? Il écrit : Loin de recourir à aucun conseil humain, ou de monter à Jérusalem auprès de ceux qui étaient apôtres avant moi, je suis parti pour l’Arabie, puis je suis revenu à Damas. L’Arabie, à l’époque, n’est pas l’immense péninsule arabique que nous connaissons, mais un territoire plus réduit correspondant au royaume de Jordanie aujourd’hui, augmenté des deux rives du golfe d’Akaba. C’est le royaume nabatéen, avec sa capitale Pétra. Qu’est allait faire Paul en Arabie ? Un temps de retraite pour digérer son choc existentiel ? Ou une première campagne d’évangélisation ? Un indice va permettre de trancher.

          L’Arabie, pour un Juif, c’est à la fois le pays proche et l’étranger. Les Arabes sont les descendants d’Ismaël, fils d’Abraham et de Hagar, la servante égyptienne. Ismaël a été supplanté par Isaac, l’ancêtre du judaïsme, mais ses descendants font partie de la promesse abrahamique. Avec le royaume nabatéen, Israël est en relation de proximité, tous deux parlent araméen, et de conflit territorial. Bref, l’Arabie est le plus proche pays étranger.

          C’est à la fin de son séjour dans ce pays qu’eut lieu un épisode rocambolesque : A Damas, l’ethnarque du roi Arétas faisait garder la ville pour m’arrêter. Mais par une fenêtre, on me fit descendre dans une corbeille le long de la muraille et j’échappai à ses mains. La présence de disciples de Paul surprend ; elle signale que notre homme a fait des adeptes à Damas. Du coup, la raison de son exfiltration précipitée s’éclaire : Paul s’est rendu indésirable auprès de Nabatéens pour son activisme missionnaire. Arétas a donné l’ordre de chasser ce juif messianique dérangeant. L’Arabie a donc été, pour Paul, un galop d’essai. On n’en sait pas plus, sinon que, déjà, les ennuis commencent. La conversion de saint Paul pouvant être datée de 32, nous sommes dans les années 33-34.

          S’ensuit une visite éclair de Paul à Jérusalem. Pour les premiers chrétiens, l’Eglise de Jérusalem, dirigée par les Douze, jouissait d’un prestige inégalé : il était difficile de se soustraire à son autorité, et il n’étonne pas que Paul y ait cherché la validation de sa mission.