Exode 24, 1-11 ou 1 Corinthiens 11, 18-34

Valeur du témoignage de Paul sur l’Eucharistie

Père Marie-Emile Boismard

L’Eucharistie selon Paul, LV 31, 1957, p. 104s

 

          Rappelant aux fidèles de Corinthe l’institution de l’Eucharistie par le Christ, saint Paul ne veut pas donner un enseignement nouveau, mais rappeler ce qu’il a enseigné lors de la première évangélisation de Corinthe. Il affirme n’avoir transmis aux Corinthiens que ce qu’il avait lui-même reçu. Les expressions transmettre… recevoir sont des expressions techniques que l’on trouve fréquemment chez les Rabbins pour désigner précisément la chaîne ininterrompue des traditions qui se transmettaient de génération en génération dans les écoles rabbiniques. Paul transmet à son tour les traditions qu’il a reçu lui-même. Il veut simplement laisser entendre que les traditions qu’ils ont transmet ont leur origine dans l’enseignement même du Seigneur, tel qu’il fut conservé dans les communautés chrétiennes. Ainsi donc l’enseignement de l’institution de l’Eucharistie par le Christ faisait partie de la catéchèse chrétienne primitive.

          Cette conclusion est confirmée par une remarque d’ordre littéraire. Quand on compare le récit de l’institution de l’Eucharistie tel qu’il est rapporté par Marc et Paul, on est obligé de reconnaître que ces deux traditions offrent assez de ressemblances pour remonter à un événement identique, mais assez de différences aussi pour apparaître indépendantes l’une de l’autre. En particulier, c’est une gageure que de vouloir faire dépendre Marc de Paul, comme ont essayé de le faire ceux qui voulaient que Paul soit l’inventeur du culte eucharistique. Marc représente probablement la catéchèse chrétienne primitive telle qu’elle était donnée à Jérusalem ; Paul la catéchèse des milieux chrétiens d’Antioche. Ainsi Marc ne dépend pas de Paul, et Paul n’invente rien, mais dépend lui-même d’une tradition qu’il a reçue et qu’il transmet fidèlement.

          Le témoignage de Paul est donc un document de toute première valeur. Il nous renseigne sur le réalisme avec lequel les communautés chrétiennes primitives interprétaient les paroles eucharistiques du Christ ; il nous indique également combien, dès les origines chrétiennes, la Cène fut mise en relation avec la mort sacrificielle du Christ, gage du banquet céleste qui sera inauguré lors du retour glorieux du Seigneur.