Jean 19, 31-37

« Un des soldats lui perça le côté »

Père Georges Didier

Le cœur humain de Dieu, Christus, tome IV, 1957, p. 346s

 

          Et aussitôt il en sortit du sang et de l’eau. Précieux témoignage : si, comme l’a pensé la contemplation chrétienne, le coup de lance ouvre l’accès au plus intime du cœur du Christ, si dans la tradition biblique le sang accompagne la chair et l’eau symbolise l’Esprit de Dieu, ce dernier acte de la Passion ne souligne-t-il pas, en Jésus-Christ, la réalité tout ensemble divine et humaine de l’amour ?

          Amour divin, amour humain, amour douloureux. De tout cela, au fond de la blessure du côté, le cœur ouvert deviendra le symbole. Aux yeux de l’évangéliste, en faisant couler l’eau, la lance ouvre la source du baptême ; en faisant couler le sang, celle de l’Eucharistie. Du côté de l’Adam véritable, endormi sur le bois, naît avec ses sacrements l’Eglise, nouvelle Eve. L’épouse fidèle, dont l’attente enchantait la nostalgie du pauvre Osée, va répondre enfin à l’amour de l’époux. Et avec Jean le Baptiste, à l’écho de leur voix, tout ami de l’Epoux va connaître la joie totale.

          Tout au long de vingt siècles, entre l’Epoux et l’Epouse, le dialogue n’a pas cessé. Sur terre, il est vrai, l’Eglise continue de connaître l’angoisse des limites, et la honte intime du péché. Mais par toute une part d’elle-même, et par les générations de saints dont elle peuple la Jérusalem céleste, elle est déjà sans tache, ni ride, ni rien de tel, immaculée. Et si nous sommes encore dans le combat, c’est à cette pointe du temps, l’agonie, par où sans cesse le monde passe à l’éternel, ressuscité.

          Au cours de sa vie publique, un jour de fête solennelle, Jésus, debout, avait lancé aux foules, à pleine voix : Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive celui qui croit en moi !, et saint Jean d’ajouter : Selon le mot de l’Ecriture, de son sein couleront des fleuves d’eau vive. Il parlait de l’Esprit-Saint que devaient recevoir ceux qui croient en lui ; car il n’y avait pas encore d’Esprit-Saint, parce que Jésus n’avait pas encore été glorifié. Jésus est glorifié, l’Esprit est donné, mais jusqu’à la fin des temps il nous faut faire écho à l’appel de la source qui voudrait étancher la soif de tous les hommes, et dont beaucoup s’obstinent à ne pas boire. Le souci du Christ est devenu le nôtre, celui qui le faisait crier ainsi dans le Temple avant de suer d’angoisse. Du moins, il nous fait la grâce de partager sa sainte Agonie, savons-nous désormais que d’un cœur brisé naît l’Eglise. Cela devrait suffire à notre joie.