Marc 14, 12… 26

Un geste testamentaire

Père David-Marc d’Hamonville

Marc, L’histoire d’un choc, p. 321s

 

          Jésus inscrit dans l’institution de l’Eucharistie, au cours d’un repas, son geste  testamentaire, son geste d’Alliance, diathêkê, en grec, un mot excessivement fort, chargé de sens par les Ecritures. On peut relever plusieurs éléments significatifs qui différent selon les récits de la Cène qui nous sont parvenus. Le récit de Matthieu est très proche de celui de Marc, tandis que celui de Luc présente bien des parentés avec le récit de Paul, le plus ancien.

          La parole sur la coupe est l’unique apparition de ce mot Alliance dans la bouche de Jésus, mot dont la seule autre occurrence évangélique est le cantique de Zacharie (Luc 1,72). La formulation de Marc et de Matthieu, très ramassée et presque brutale, ceci est mon sang de l’alliance, a gêné les copistes et les traducteurs ; Paul et Luc ont ce texte plus fluide : Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang. L’alliance est un geste divin ; l’initiative de l’alliance ne peut venir de personne d’autre que de Dieu, et ces mots laissent entendre l’union inimaginable, en une même personne, de l’initiateur de l’alliance, du prêtre et de la victime. Qualifiant l’alliance de nouvelle, la formulation de Paul résonne avec des éléments de son élaboration théologique personnelle, mais c’est surtout la Lettre aux Hébreux qui développera et approfondira très longuement cette nouveauté du sacrifice du Christ.

          Marc est le seul à parler du sang versé pour beaucoup, pour la multitude selon l’usage liturgique français, tandis que Matthieu dit au sujet de beaucoup, et ajoute, seul, en rémission des péchés. Paul rapporte une expression différente à propos, non du sang, mais du corps, mon corps qui est pour vous, et Luc répète ce motif pour vous à propos du corps et du sang.

          Le récit marcien du dernier repas, comme celui de Matthieu, ne comporte pas l’institution proprement dite : Faites ceci en mémoire de moi. Cette parole est présente dans le récit de Luc, elle est même bissée chez Paul, énoncée à propos du corps, puis à propos du sang.

          Parce qu’il est testamentaire, ce geste d’alliance regard à la fois le passé et l’avenir : il récapitule la vie de Jésus, vie donnée, livrée pour l’unité de tous les hommes, et il oriente le regard vers le Royaume annoncé, vers la Résurrection : étape nouvelle pour le corps du Christ, comme vin nouveau réclame outre neuve.