Esdras 9,1-9+15 – 10,5

L’œuvre de réformation

Père Georges Auzou

La tradition biblique, p. 250s

 

           Les étapes de la réforme religieuse nous sont connues par les Mémoires d’Esdras et de Néhémie. On appelle ainsi ces sections autobiographiques que l’on trouve aujourd’hui dans les livres bibliques qui portent le nom de ces deux hommes. Ces écrits sont donc contemporains de la réforme.

            Ces Mémoires, surtout ceux de Néhémie, sont au nombre des plus belles pages de la littérature narratives de la Bible. Ils sont un admirable témoignage de foi et de courage. Et leur prix est inestimable pour la connaissance d’un milieu et d’une époque sur lesquels les documents font par ailleurs défaut.

            Le livre que lisait publiquement Esdras était la Torah, le livre de la Loi de Moïse. C’est en la seconde moitié du V° siècle, sans doute, que la grande œuvre de législation et d’enseignement religieux composé principalement au temps de l’exil babylonien, mais dont nous avons dit qu’elle s’était poursuivie ensuite, trouva son achèvement et sans doute son ordonnance d’ensemble.

            Dès les temps très anciens, toute Torah était considérée comme ayant autorité divine. Les prophètes y contribuèrent : ils étaient reçus et écoutés comme messagers de Dieu et leurs oracles, même sous forme écrite, étaient conservés comme Parole de Dieu. A plus forte raison les enseignements et les directives, rappelés par les prophètes, les rapports, et pour ainsi dire le dialogue de Dieu et de son Peuple.

            Depuis plus d’un siècle, d’une part, c’est-à-dire depuis la prise de conscience en profondeur à laquelle l’exil avait contraint Israël, l’héritage que lui avait peu à peu constitué sa tradition apparaissait comme exceptionnel, sacré, pleinement autorisé à régir le Peuple de Dieu. Celui-ci savait que les Textes recueillis étaient les témoins des Rencontres qu’il avait faites avec son Seigneur au cours de l’histoire, qu’il les devait, ces Textes, à des hommes auxquels Dieu avait parlé et confié un message, donc à Dieu lui-même.

            La révélation du caractère sacrée des Ecritures traditionnelles a été très particulièrement aidée par leur lecture en réunion de prière, leur récitation ou leur chant dans les assemblées liturgiques. On s’était mis à le faire en captivité. On continua de le faire dans les communautés juives hors de Palestine ; Jérusalem en avait pris l’habitude au moins à partir d’Esdras et de Néhémie. Si les Ecritures jouissaient ainsi d’un traitement privilégié et d’un véritable culte, c’était que tout d’abord on croyait qu’elles venaient de Dieu. Mais c’était aussi une manière de préciser, d’affirmer et de répandre cette foi.

            Si l’on ne peut parler encore d’un canon ou liste officiellement fixée des Ecritures, il est clair que, dès le V° siècle, elles sont lues comme la Parole de Dieu.