Galates 1,13 – 2,10

« Là où sera ton cœur, là aussi sera ton trésor »

Tertullien

Aux martyrs, Œuvres Complètes, II, p. 718s

 

          Quant aux souvenirs et aux embarras du monde, ils ont dû s’arrêter sur le seuil de votre prison, ainsi que vos proches eux-mêmes. Depuis ce moment, vous êtes séparés du monde, ou plutôt si vous voulez vous rappeler que le monde est une vaste prison, vous comprendrez qu’au lieu d’entrer dans une prison, vous en êtes sortis véritablement. Le monde est mille fois plus ténébreux que vos cachots : ses ténèbres aveuglent les cœurs. Le monde a des liens plus terribles ; ses liens enchaînent les âmes. Le monde respire des miasmes plus empoisonnés : ce sont les passions des hommes. Le monde renferme plus de coupables : j’allais dire le genre humain tout entier. Là ce n’est pas le proconsul, c’est Dieu qui condamne. Concluez-en donc, bienheureux confesseurs, que vous avez échangé une prison contre un asile inviolable. Vous habitez un séjour ténébreux, mais vous êtes la lumière. Des liens vous enchaînent, mais vous êtes libres pour Dieu. Vous respirez un air infect, mais vous êtes vous-mêmes un parfum de suavité. Vous attendez la sentence du juge, mais vous jugerez vous-mêmes les juges de la terre. Qu’il s’abandonne aux larmes, celui qui soupire après les délices du siècle ! Un chrétien a renoncé au siècle, alors même qu’il jouissait de la liberté : jusque dans les fers il renonce à ses fers. Qu’importe le lieu où vous êtes ici-bas, puisque vous êtes hors du siècle ? Et si vous avez perdu quelques joies de la vie, bienheureux le négoce qui perd quelque chose pour gagner beaucoup !

          Ce que le désert donnait jadis aux prophètes, la prison le donne au chrétien. Le Seigneur lui-même cherchait souvent la solitude pour y prier plus librement du monde : c’est dans la solitude qu’il manifesta sa gloire à ses disciples. Changez le nom : votre cachot n’est plus qu’une retraite, où malgré les murs qui enferment le corps, malgré les liens qui retiennent la chair, tout est ouvert à l’esprit qui circule librement et se répand en dehors sans le moindre obstacle, non plus sous les épais ombrages, non plus sous les longs portiques, mais à travers les avenues qui conduisent au ciel. Toutes les fois qu’on les parcourt en esprit, on n’est plus captif. Le pied sent-il le poids des chaînes quand l’âme est dans le ciel ? Non, l’âme emporte avec elle l’homme tout entier, et le transporte dans une région sans limite. Là où sera ton cœur, là aussi sera ton trésor. Que notre cœur soit donc toujours là où nous voulons avoir notre trésor.