Agée 1,1 – 2,10

Ombres et lumières du monachisme italien vers l’an 1000

Dom Patrice Cousin

Précis d’Histoire Monastique, p. 312s

 

          Saint Romuald (952-1027), natif d’une grande famille de Ravenne, est hanté, à Sainte Apolinaire-in Classe où il s’est fait moine, du désir de la vie solitaire. Après l’avoir mené en Vénétie Orientale, puis en Roussillon où il est venu avec l’ermite Marin et l’ancien doge de Venise Pierre Orséolo, dans les bois qui entourent l’abbaye de Saint-Michel de Cuxa, il repart et finit après de nombreuses pérégrinations par se fixer dans la montagne toscane, à Camaldoli ; il y installe des ermitages. En bas, dans la plaine, il organise un monastère, Saint-Donat, Camaldoli Maggiore (1010). Ainsi, dès l’origine, la vie est mixte, érémitique sur la montagne, cénobitique dans la vallée. La seconde n’est qu’un moyen pour parvenir à la première ; cette vie de solitude, de recueillement dans la prière, le travail, une dévotion spéciale à la Vierge Marie et au psautier, voilà l’idéal camaldule mettant en pratique la parole de saint Paul : Votre vie est dans le Christ en Dieu.

          Romuald était poursuivi par son désir de solitude mystique, son disciple saint Damien (1006-1072) est convaincu de la nécessité de la pénitence corporelle : à Fontavellane où il suit les us de Camaldoli, il se fait remarquer par ses austérités, familier du jeûne au pain et à l’eau, et des flagellations corporelles qu’il introduit dans la vie religieuse. Pour lui, la vie monastique ne peut atteindre son but, le repos en Dieu, que par une totale mortification des sens à laquelle fait pendant une égale mortification de l’esprit. Le moine récitera les psaumes, lira la Bible, et c’est tout : aucune activité intellectuelle ; ce détachement absolu le conduira au repos, au silence, au jeûne, les trois vertus essentielles de la solitude. Moins heureux que Romuald, Pierre Damien fut arraché à sa vie pénitente par la volonté des papes qui le firent évêque, puis légat pontifical, à partir de 1055. Du moins s’en consola-t-il en exposant son idéal monastique en plusieurs traités. Sur ce chapitre, il prêchait d’exemple, se flagellant chaque jour durant la récitation de 40 psaumes, 60 durant l’Avent et le Carême !

          A cette conception excessive, le moine qu’il a rêvé, ennemi du siècle, pauvre et macéré par le jeûne et la flagellation, courbé sous la loi d’une sainte ignorance, ne pouvait être qu’un ermite (Fliche, La Réforme Grégorienne, tome I, p. 204).