Philippiens 4, 10-23

L’indépendance de l’apôtre

Père Simon Légasse

L’épître aux Philippiens, CE 33, p. 48s

 

          La joie l’emporte chez Paul comme l’indique le premier mot du texte que nous venons d’entendre : Je me suis beaucoup réjoui dans le Seigneur. De cette joie, le Seigneur est à la fois la source et la raison d’être. Mais cette joie, elle s’expérimente en Eglise, étant inséparable des rapports de charité qui s’établissent entre ses membres.

          Pour Paul, son métier d’apôtre lui a appris à être libre vis-à-vis de toute aide humaine ; non seulement à vivre dans la pauvreté, mais encore, ce qui est plus difficile, à passer de la satisfaction raisonnable des besoins physiques et économiques à la faim et au dénuement. Car ici, c’est de liberté qu’il s’agit et non d’ascèse. L’indépendance, que Paul poursuit et revendique en toute occasion, n’est en fait qu’un transfert de dépendance. Paul, comme tout chrétien, ne peut envisager d’autre forme de liberté, et ses chaînes sont précisément le signe qui prouve qu’elle est effective. Mais le Christ, auquel l’apôtre se donne, libéré de toute entrave morale, est le Christ proclamé, et l’autonomie en question est tout aussi bien le vide qui permet à la charité apostolique d’envahir le prédicateur de l’Evangile, d’assujettir le pasteur au soin attentif de sa communauté : libre à l’égard de tous, je me suis fait l’esclave de tous afin d’en gagner le plus grand nombre.

          Paul est tout lui-même quand, pour en finir avec ses protestations d’indépendance, il affirme : Je suis tout en celui qui me rend fort. Ce pouvoir doit se comprendre d’après le contexte. C’est moins une possibilité totale de réalisation qu’un pouvoir sans limite de tout supporter. Paul est imbattable sur le terrain de l’épreuve, et il peut s’en vanter, puisqu’il ajoute aussitôt que ce pouvoir, il ne le tire aucunement de ses propres forces. Le Christ ne lui a rien caché quand il lui a déclaré : Ma grâce te suffit, car ma puissance se déploie dans la faiblesse. Et Paul de dire le paradoxe : Lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort. Cette force, celle dont Paul peut se vanter sans hésitation, c’est celle de la résurrection du Christ à laquelle l’homme communie par la foi et le baptême tandis que périt en lui l’être orgueilleux et incapable.