Zacharie 1,1 – 2,4

Père Pierre Blanc

Saint Louis de Gonzague, un saint de 23 ans, p. 72s

 

          Saint Louis de Gonzague n’était pas, comme on l’a dit, un mélancolique ou un mystique s’ennuyant dans le monde. Il était contestataire contre un certain monde frivole et sans âme qui gaspillait et usait mal de ses privilèges pourtant démesurés. Comme saint Ignace, il ne prêchait pas la révolution, mais la conversion en se faisant chevalier du Christ pour sauver le monde. C’est bien le sens de la parole qui avait frappé le père dominicain, Claude Pini, dans ses fréquents entretiens avec ce jeune garçon en 1581 : J’ai le cœur bouleversé de voir les chrétiens si ingrats envers Dieu. Il parlait d’abord pour les siens.

          Son père Don Ferrante souffrait une véritable agonie du cœur devant le départ de son fils pour l’ordre de saint Ignace. Il ruminait sa douleur et finit par croire qu’il était impossible que Louis ne lui donnât pas raison. Le marquis insistait : Aimer Dieu par-dessus tout, c’est très bien ; mais avec un caractère aussi ferme que le tien y a-t-il un risque de se perdre dans le monde ? Quel exemple utile à l’Eglise et glorieux pour Dieu que celui d’un prince menant une vie chrétienne parfaite, capable d’affermir dans la piété ses vassaux ? Et n’est-ce pas une route privilégiée pour arriver sûrement au Ciel que d’avoir l’ambition et le zèle d’y mener à sa suite ceux que Dieu vous a confiés par droit de naissance ?

          Louis avait en tête les paroles de l’évangile : Qui aime son père et sa mère plus que moi n’est pas digne de moi (Matthieu 10,37). Quiconque ne m’aime pas plus encore que sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple (Luc 14,26). Sinon n’aurait-il pas cédé ?

          Sans doute, notre jeune saint avait à l’esprit toutes les violences qu’il avait dû s’imposer pour ne pas se laisser entraîner. Ce n’est pas les raisonnements, mais la vue de son Seigneur crucifié, lui qui a choisi de prendre la dernière place et de mourir en croix pour nous sauver, qui décidera de sa vie. Comme lui, il veut tout quitter. C’est devant son crucifix que Louis comprenait qu’il devait entrer dans la Compagnie de Jésus pour suivre à son tour et servir Jésus-Christ crucifié. Trop heureux d’avoir été choisi par lui pour ce service total : Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, non, c’est moi qui vous ai choisis (Jean 15,16).