Proverbes 1, 1-7+20-33

Le Livre des Proverbes

Père Emile Osty

La Bible, Livre des Proverbes, tome 13, p. 53s

 

           La morale qui se dégage du livre des Proverbes est une morale saine. Elle assure la solidité de la famille et la paix du foyer, l’accord entre les individus, l’ordre dans l’Etat ; elle incite au labeur et à la vertu. Par son appel à la crainte de Dieu, au respect de sa Loi, à la prudence et à la modération, elle refrène les appétits et combat les passions. Son but essentiel est de rendre l’homme heureux par la vertu : Sois vertueux et tu seras heureux, pourrait lui servir de devise.

 

            Ce souci de l’intérêt bien entendu n’est pas une tare. L’aspiration au bonheur est le mouvement spontané de la nature humaine, et nul moraliste n’a qualité pour le dédaigner. On ne peut demander à qui que ce soit de jeter ses actions dans le vide. L’idée de récompense, de salaire de la conduite n’est pas le lot des âmes inférieures ; Jésus ne l’a pas rejetée, et le plus ardent de ses disciples, le plus grand apôtre de la foi, lui a fait une bonne place dans son enseignement.

 

            Il est vrai, d’ailleurs, que la conduite avisée, qui s’inspire des lois de la prudence si bien définies par les sages, y trouve également son compte, et que l’on mange du fruit de sa conduite. Ce n’est pas déplacé que de le dire. Le moraliste ne peut faire une obligation du désintéressement absolu. Il ne tient pas école d’héroïsme. Son but est plutôt de former d’honnêtes gens pour les époques tranquilles. C’est dans la tourmente qu’on se tourne vers les prophètes et les saints.

 

            Le vrai défaut de cette morale honnête est d’être emprisonnée dans ce monde terrestre. Par-delà la mort, il n’y a pas d’Au-delà véritable, où sanction et rétribution prennent place. Tout le troupeau humain s’en va indistinctement au schéol où il ne mène plus une vie larvaire, sans récompense, comme sans châtiment. Il faut donc de toute nécessité que justes et méchants aient ici-bas leur rétribution, en mal comme en bien. Tous les faits doivent se plier à cette exigence. De là une véritable déformation de la réalité. Est-elle consciente ? On n’oserait répondre par l’affirmative. La foi de ces sages était si ardente, si absolue, et si vif leur désir de former des disciples aussi orthodoxes qu’eux, qu’elle a dû voiler, sans qu’ils y prennent garde, tout ce qui ne concordait pas avec leur optimisme. Mais d’autres viendront qui auront le regard plus aigu et la raison plus exigeante : un Job et un Ecclésiaste exprimeront, chacun à sa manière, le troublant désordre du monde.