Marc 6, 30-24

« Un endroit désert, à l’écart »

Ysabel de Andia

La Voie et le Voyageur, p. 313s

 

           Le désert est un lieu où l’on ne peut pas vivre, où l’on meurt torturé par la soif, et, en même temps, c’est un lieu des noces, la terre aride que Dieu change en verger, car là encore, c’est Dieu qui est l’ouvrier du salut.

          Le désert est inhabité. Quelques animaux y vivent comme l’onagre et les sauterelles dont se nourrissait Jean Baptiste, quelques plantes y poussent, arbres et racines, c’est pourquoi les hommes le traversent à la hâte sans s’y arrêter. C’est le lieu de la traversée par excellence, le lieu de l’effacement, le lieu où le vent efface les traces des pieds des hommes et des chameaux sur le sable et où le passage lui-même s’efface comme la mer qui se referme sur le sillage d’un bateau. Dans le désert et la mer, la trace de l’homme disparaît.

          Le désert est le lieu de l’absence, non du bruit, car il est un chaos de hurlements sauvages (Deutéronome 32,10), mais de l’absence de parole humaine, l’absence du logos. Seul le vent fait entendre sa voix. Le Siroco se lève et il y a des tempêtes de sable, comme il y a des tempêtes dans la mer. Cependant le verbe hébreu midbar, désert, évoque le terme dabar, la parole, qui est avant tout la Parole de Dieu.

          Jésus, le Verbe, la Parole, choisit d’abord la solitude avec les Douze. Le petit groupe s’embarque pour traverser le lac en escomptant trouver sur l’autre rive l’oasis de paix qui l’aidera à refaire ses forces. Humanité du Christ qui sait ménager le repos indispensable à ses amis surmenés par le labeur apostolique, ainsi que le silence propice à la prière. 

          Or c’est précisément parce qu’il est le lieu de solitude et du silence, que le désert a été choisi par les ascètes qui cherchent Dieu. Lorsqu’Arsène entend la parole du Seigneur qui lui dit : Fuge, tasce, quiesce, il fuit au désert dans une terre désolée et se tient en silence comme le prophète Jérémie et se repose dans la solitude. Les figures de solitaires sont des figures de la contemplation : Paul de Thèbes ou la femme ensevelie par lui dont on ne sait rien sinon qu’ils se sont enfoncés dans le désert. Car on s’enfonce dans le désert avant d’être englouti par le désert comme on est englouti par l’eau. Le désert ne rend pas les vrais hommes du désert.