Jean 20, 1+11-18

Marie-Madeleine

Père Alain Marchadour

Dans Pierre Debergé, La Bible et ses personnages, p. 218s

 

           Marie de Magdala, isolée par Jean, et portée par sa passion envers son Maître, est disponible pour vivre une rencontre forte, la première des rencontres avec le Ressuscité. En suivant les mouvements spatiaux et intérieurs de Marie de Magdala, on est frappé par le contraste entre l’agitation autour du tombeau et la lenteur de Marie à comprendre le mystère qui se joue sous ses yeux, et les nôtres. Pour nous, lecteurs, nous croyons que Jésus est sorti vivant du tombeau, la réticence de Marie reste obscure. Peut-être faut-il, comme le prophète, se laisser porter par son imagination : Il me semble que, sous le couvert de son inquiétude, quant à l’absence du corps, filtre, en elle, mais très profonde, une source. Obscure. Celle même, qui tient captive, pour l’instant, sa mémoire : l’idée, la vague idée, comme un oiseau aveugle, de la résurrection qui vient heurter sa préoccupation du corps disparu. Une grande partie de la séquence est consacrée à la recherche, longtemps infructueuse, du corps du Christ par Marie. Obsédée par sa quête, conduite par l’amour, elle parle de Jésus comme de mon Seigneur. Le mot résonne dans l’oreille du lecteur comme le titre du ressuscité, et anticipe pour lui l’annonce de la résurrection.

          Aveuglée par sa douleur et son amour, Marie se heurte aux êtres qui croisent sa route. Au lieu de la guider, ils font obstacle entre elle et celui qu’elle cherche. Ses pleurs soulignent la tristesse de la perte et la souffrance de ne pouvoir vivre pleinement le deuil, avant la disparition définitive du corps de Jésus. Selon la belle formule de Jean Grosjean : Marie-Madeleine revenait au sépulcre et parlait toute seule. Elle avait besoin de s’adresser au cadavre, mais il n’y avait plus de cadavre, il lui avait retiré la substance de son deuil. Elle passe sans succès d’intermédiaire en intermédiaire : les deux disciples qu’elle est allée informer et qui ne lui ont pas été d’un grand secours. La vue des anges la laisse indifférente. L’apparition de Jésus lui-même ne suffit pas à lui ouvrir les yeux : elle croit voir le jardinier. Le récit est habilement construit dans un suspense qui met en valeur la transformation que la résurrection a entraînée dans l’être de Jésus et la nouvelle façon pour Marie et pour les lecteurs de s’attacher à lui.