Job 18, 1-21

Prier dans le secret

Saint Jean-Cassien

Conférence IX, 35, Tome II, p. 71s

 

           Nous devons mettre un soin tout particulier à suivre le précepte évangélique qui nous commande d’entrer dans notre chambre et d’en fermer la porte, pour prier.

          Nous prions dans notre chambre, lorsque nous retirons entièrement notre cœur du tumulte et du bruit des pensées et des soucis, et que, dans une sorte de tête-à-tête secret et de douce intimité, nous découvrons au Seigneur nos désirs.

          Nous prions porte close lorsque nous supplions sans ouvrir les lèvres et dans un parfait silence Celui qui ne tient pas compte des paroles, mais regarde au cœur.

          Nous prions en secret, lorsque nous parlons à Dieu par le cœur seulement et l’application de l’âme, et ne manifestons qu’à lui nos demandes : si bien que les puissances adverses elles-mêmes n’en puissent deviner la nature. Telle est bien la raison du profond silence qu’il convient de garder dans la prière. Nous ne devons pas avoir en vue seulement de ne pas distraire les frères qui nous entourent par nos chuchotements et nos cris, et de ne point faire obstacle à leurs âmes en prière ; mais aussi de cacher à nos ennemis, qui multiplient alors surtout leurs attaques, le but de nos demandes. Par là, nous accomplirons le précepte : Tiens la bouche fermée à celle qui dort sur ton sein.

          Aussi nos prières doivent-elles être fréquentes, mais courtes, de peur que, si elles se prolongeaient, l’ennemi qui nous guette, n’eût la faculté d’y glisser quelques distractions. C’est là le sacrifice véritable : le sacrifice que Dieu veut, c’est un cœur contrit. C’est là l’oblation salutaire, l’offrande pure, le sacrifice de justice, le sacrifice de louange. Si nous les présentons nous-mêmes à Dieu selon la méthode et avec la ferveur que nous avons dite, nous pourrons chanter avec la certitude d’être exaucé : Que ma prière monte comme l’encens devant ta face, et que mes mains s’élèvent comme le sacrifice du soir !