Job 32, 1-6 + 33, 1-22

L’action de grâces

Père Jacques Guillet

Prière évangélique et retraite, Christus 10, p. 250s

 

           Qu’il s’agisse de la prière de Jésus ou de celle qu’il demande aux siens, le même trait demeure essentiel. Nulle part, dans l’évangile, la prière n’apparaît comme une échappée hors du monde, un moment passé dans une sphère plus pure, celle des réalités spirituelles, supraterrestres. La prière comporte certes des conditions, de solitude en particulier, sur lesquelles insistent Jésus. Elle comporte des temps consacrés : Quand tu pries (Matthieu 6,6). Elle ne se confond pas avec l’attitude spontanée de la conscience fidèle. Mais le centre qui l’oriente et la polarise est à la fois divin et terrestre : c’est l’œuvre de Dieu, ce sont ses voies, sa volonté. Au fond, la forme suprême de la prière évangélique est celle du Notre Père : Que ton nom soit sanctifié ! Formule étrange en apparence, car Dieu peut-il jamais faire autre chose que faire éclater sa sainteté ? Comment peut-il attendre de notre prière ce résultat infaillible ? Là est cependant l’essentiel : prier, c’est obtenir de Dieu, à force de supplication, qu’il révèle dans son œuvre sa façon de faire, sa main, sa gloire. Car cette œuvre est celle de sa générosité, mais comment Dieu pourrait-il donner, si personne n’est capable de le reconnaître dans ses dons ? Prier ainsi, ce n’est pas seulement coïncider par la volonté à l’œuvre de Dieu, c’est l’attendre de toute son espérance, c’est exulter en elle de la gloire qu’elle révèle.

          Lorsque la supplication atteint ce niveau, lorsqu’elle est vraiment tendue vers l’avènement du Royaume et de la gloire de Dieu, elle s’épanouit tout naturellement en action de grâces. L’action de grâces est sans doute la forme la plus haute de la prière évangélique. Elle est bien autre chose que le simple remerciement, la dette de gratitude dont on s’acquitte, précisément pour être quitte et ne plus rien devoir à son bienfaiteur. Elle est joie émerveillée devant les gestes de Dieu, élan venu d’en haut qui saisit la créature devant la révélation de la gloire divine. C’est bien autre chose qu’une réaction humaine, c’est la puissance de Dieu elle-même qui, après avoir produit ses merveilles, suscite autour d’elles comme un ébranlement sacré, l’envahissement de la louange dans les cœurs.