Job 6, 1-30

« Qui pourrait comprendre ma douleur ? »

Saint Jean Chrysostome

Commentaire sur Job, SC 346, p. 259s

 

           C’est une habitude chez ceux qui éprouvent une vive douleur de désirer que ceux qui sont présents sachent avec beaucoup de précision la grandeur des mots qui les accablent : c’est justement ce que dit Job, comme sous forme de prière. Voici que, dans ce passage, il appelle colère son découragement, et, dans maint passage de l’Ecriture, on trouvera cette façon de parler, par exemple, lorsqu’elle dit : Celui qui met en colère les rois…, c’est-à-dire qui les afflige. Voici ce que Job veut dire : C’est dans les maux des autres que vous, vous faites montre de sagesse, et, parce que vous êtes loin de mes maux, vous m’exhortez en toute tranquillité. Cette remarque répond à la parole qu’ils disaient plus haut : Tu as fait la leçon à bien des gens. Tu as redonné de l’assurance aux genoux chancelants. Mais maintenant, c’est toi que la douleur a atteint, et, toi, tu as été troublé. Pourquoi dit-il : Tu as été troublé ? Je voulais que mon malheur devienne évident, et vous auriez compris que personne n’a éprouvé de tels maux ; mais vois ma malchance. C’est ce qui aurait dû me procurer le pardon qui me rend précisément impardonnable. La grandeur de mon malheur, dit-il, non seulement ne plaide pas en ma faveur, non seulement elle ne me fait pas apparaître digne de pitié, mais, au contraire, c’est elle qui me condamne. C’est ce qui aurait dû me faire prendre en pitié qui me rend odieux et condamnable, et je ne peux obtenir de pitié, quoi que je dise. La preuve, en effet, c’est qu’Eliphaz attribuait à l’impiété ce malheur auquel il opposait : Rappelle-toi si des gens intègres ont été complètement déracinés. C’est ainsi que les Barbares disaient aussi, à propos du bienheureux Paul, que la justice n’avait pas permis de vivre à celui qui avait échappé à la mort.

          Les hommes, en effet, et le commun de la foule qui jugent des évènements de façon naïve et au petit bonheur, ne s’appuient pas, dit-il, sur les actes de chacun pour porter leurs jugements, mais sur les châtiments et les punitions qu’on subit ; c’est, en effet, parce qu’Eliphaz a dit : Quel est donc le mortel qui est pur devant le Seigneur ?, que Job affirme : Je ne puis répliquer, ni dire que j’ai subi des souffrances si nombreuses et si terribles, sans avoir commis aucune faute, car les châtiments parlent contre moi. Je pourrais, cependant, dit-il, faire reproche au Puissant, c’est-à-dire le contredire.