Marc 7, 1-8 + 14-15 +21-23

Au-delà de la Loi

Dom André Louf

Heureuse faiblesse, p. 185s

 

          Le commandement est certes un don précieux de Dieu. Il nous protège de notre libertinage, mais à lui seul il ne suffit pas. Au jeune homme qui proclamait fièrement les avoir tous observés, Jésus rétorque qu’il lui manque encore quelque chose. La bonne observance ne suffit pas, il y a plus : elle pourrait se refermer comme un piège sur celui qui croirait pouvoir se glorifier par elle. C’est le piège dans lequel se précipite les pharisiens du temps de Jésus, et les pharisiens de tous les temps. Ce n’est pas le pharisien si content de lui-même qui rentra chez lui justifié, mais le publicain, si pauvre en observance.

            Pour les pharisiens, le commandement est réduit à n’être plus qu’une tradition des hommes, un édifice de rites extérieurs, de règlements, une casuistique toujours plus subtile qui ne donnent pas la vie. Au contraire, vécu de cette façon, le commandement, même rigoureusement observé, devient mortifère. Paul le dit, à la suite de Jésus : La lettre tue, seul l’Esprit donne la vie.

            Le commandement nous est cependant nécessaire, et nos efforts pour l’observer tout autant, même si souvent ils ne sont pas couronnés de succès. Il nous protège certes de tout libertinage, mais ce n’est pas là le plus important. Au début, le commandement fait mal, il contraint, il heurte et blesse quelque chose en nous, et semble nous réduire en esclavage. Salutaire blessure, bienheureuse contrariété ! Elles creusent en nous un désir secret et neuf. Non pas celui de nous débarrasser de la Loi pour retomber dans le libertinage, ce serait la tentation, mais le désir d’être libérés de l’esclavage de la Loi pour être en mesure d’aller au-delà de la Loi, et de trouver enfin la vraie liberté. C’est en ce sens que Paul dit de la Loi qu’elle peut devenir un pédagogue vers la liberté, lorsqu’elle nous conduit au-delà de nous-mêmes.

            Cet au-delà de la Loi est en fait un au-dedans ? C’est le message de l’évangile d’aujourd’hui. Le vrai bien et le vrai mal ne sont pas à l’extérieur de nous, ils sont au-dedans de nous. Et la loi véritable, celle qui rendra, un jour, tous les commandements caducs et superflus, elle aussi est dans notre cœur : elle est l’amour répandu en nos cœurs par l’Esprit-Saint qui nous a été donné. Là où est l’Esprit, là est aussi la parfaite liberté, la vraie liberté des enfants de Dieu que seul l’Esprit-Saint peut nous donner : liberté de l’amour, liberté unique qui nous fait agir avec aisance, avec joie et avec une extrême douceur, et par laquelle tout ce que nous faisons de bien coule de source, de cette source qu’est l’Esprit-Saint en nous.