Joël 1,13 – 2,11

Le Jour de Yahvé chez Joël

Père J. Bourke

Revue Biblique, 55 (1959) , p. 212

 

          En même temps qu’il confronte ses auditeurs au Dieu terrible du Sinaï, le prophète Joël leur rappelle qu’il est leur Dieu et qu’ils sont son peuple. Ils obtiennent délivrance er refuge, non pas en reculant devant la tempête de sainteté, mais en courant vers son centre même, au Temple. Ils doivent aller à la rencontre des menaces traditionnelles de la vengeance divine, avec la réponse traditionnelle d’Israël, humilité et vrai repentir de la communauté entière, manifestés à Yahvé dans son Temple, par l’intermédiaire des prêtres. Ainsi l’instrument du châtiment est brisé, et rejeté de la demeure de Yahvé au milieu de son peuple, et en réponse à sa prière. Sainteté devient une fois de plus bénédiction et vie pour Israël, là où dans le passé elle a signifié malédiction et mort. Les relations de l’Alliance sont restaurées. Israël, séparé de Yahvé par ses péchés, devient de nouveau un avec lui par son repentir. Cela est la loi et les prophètes.

          En montant le hic et nunc dynamique de la doctrine prophétique du Jour de Yahvé dans le cadre plus large des bénédictions et malédictions légales, Joël réapplique les deux à la donnée qu’il constate et qu’il reconnaît comme sacrée, le fait des sauterelles. C’est par cette réinterprétation et réapplication des thèmes légaux et prophétiques plus anciens que se développe l’eschatologie postexilique. La puissance visionnaire de Joël perce et dépasse le fait historique du Jour des sauterelles, afin de retrouver le microcosme de ce fait dans le Jour des Gentils, projeté sur les horizons de l’espace et du temps. La puissance de prédire le Jour de Yahvé eschatologique appartient à celui qui l’a d’abord vu à la dimension circonscrite et transitoire, dans la plaie des sauterelles. Et dans la transposition de sa vision d’une dimension à l’autre, Joël ne cesse pas d’être suprêmement ce que nous n’avons pas cessé de voir en lui le prophète du numineux. L’ère eschatologique, avec ses saisies charismatiques et sa fertilité miraculeuse, est importante pour lui, non pas tellement en soi, mais plutôt comme l’expression accomplie de la sainteté de Yahvé. Les armées des Gentils se ressemblent et marchent de façon que la puissance destructrice du Numen puisse se manifester dans leur défaite finale. L’Israël nouveau entre dans l’existence, radieux, transparent, sacramentel, simplement pour faire jaillir du milieu de soi la présence numineuse de Dieu.