Tite 3, 5-15

Augustin à Tagaste

Saint Augustin

Les Confessions, Livre 2, 3, 5-7, DDB 13, p. 337s

 

          Ô Seigneur, toi qui nous façonnes, toi qui peux poser sur nous la douceur de ta main pour émousser les épines que ton paradis ne connaissait pas ! Ah ! Du moins, si j’avais pu prêter l’oreille avec plus de vigilance à ta voix ! Ah ! Si à ta voix j’avais prêté l’oreille une oreille plus vigilante ! Ah ! Si j’avais, pour mon plus grand bonheur attendu tes embrassements !

          Mais je me suis mis à bouillonner, malheureux, me laissant emporter par la fougue de mon propre courant, après t’avoir abandonné ; je suis sorti de toutes tes lois. Et Toi, tu étais toujours là, miséricordieux dans tes rigueurs, saupoudrant d’amertume et de dégoût toutes mes joies illicites ; tu voulais ainsi me faire rechercher la joie sans dégoût, et là où j’aurais pu l’atteindre, ne me faire trouver rien d’autre que toi, Seigneur, que toi qui ériges la douleur en enseignement, toi qui frappes pour guérir. Où étais-je ? Que j’étais loin, dans mon exil, des délices de ta maison.

          Dans le cœur de ma mère, déjà, tu avais commencé ton temple et l’ébauche de ta sainte habitation. Aussi tressaillit-elle d’un pieux frémissement et d’une sainte frayeur, et quoique je ne fusse pas encore entré dans la foi, elle redouta néanmoins pour moi les voies tortueuses dans lesquelles s’avancent ceux qui te présentent le dos et non la face !

          Malheureux que j’étais ! Et si j’ose dire, que tu te taisais, mon Dieu, quand je m’en allais loin de toi ! Est-ce ainsi que tu te taisais alors pour moi ? Et de qui donc étaient-elles, sinon de toi, les paroles que par ma mère, ta servante fidèle, tu fis sonner à ses oreilles ? Mais rien ne m’en descendit au cœur, pour passer dans mes actes.

          Car ce qu’elle voulait, elle, ma mère, et je garde en secret le souvenir de l’avertissement qu’elle me donna avec une immense sollicitude, c’était que je ne commisse point l’irréparable. Avertissement de femme, me semblait-il ; en tenir compte m’eût fait rougir ! Or c’était le tien, et je ne le savais pas. Je croyais que tu te taisais, et que c’était elle qui parlait, alors que par elle tu me parlais ; et en elle, je te méprisais, moi, son fils, le fils de ta servante, ton serviteur !