1 Timothée 1, 1-20

Vers la conversion

Saint Augustin

Les Confessions, Livre VIII, 16-19, p. 43s

 

          Toi, Seigneur, tu me retournais vers moi-même, me ramenant derrière mon dos où je m’étais mis pour ne pas porter les yeux sur moi ! Et tu me plaçais bien en face de moi, pour me faire voir combien j’étais laid, combien j’étais difforme et sordide, couvert de taches et d’ulcères.

          Je voyais et j’étais horrifié, mais il n’y avait pas de lieu où fuir loin de moi. Si j’essayais de détourner de moi mon regard, toi, de nouveau, tu me plaçais devant moi, tu enfonçais mon image devant mes yeux pour me faire rencontrer mon iniquité et la haïr. Je la connaissais bien, mais je dissimulais, je repoussais, j’oubliais. Je me trouvais exécrable et me haïssais…, j’avais laissé tant d’années s’écouler avec moi où je différais de renoncer aux félicités de la terre et de me mettre ensuite en quête des félicités du ciel, celles dont il faut placer, non pas la découverte, mais déjà la simple recherche.

          J’avais cru que la raison qui me faisait différer de jour en jour de renoncer à l’espérance du siècle et de te suivre toi seul, c’était de n’apercevoir aucun but certain où conduire mes pas. Le jour était venu où j’étais nu devant moi, où ma conscience grondait contre moi. C’est ainsi que je me rongeais au-dedans : une honte affreuse et violente me bouleversait.

          Que n’ai-je pas dit contre moi-même ? De quelles verges mes pensées n’ont-elles pas fustigé mon âme pour l’obliger à me suivre, moi qui tentais de marcher derrière toi ? Et mon âme se cabrait, elle se récusait sans parvenir à s’excuser. Toutes les raisons avaient été usées et réfutées, il ne lui restait qu’un tremblement muet, et elle redoutait comme la mort d’être réduite à s’écarter du courant de l’habitude qui l’épuisait à la mort.

          Alors au milieu de ce grand combat qui se livrait dans ma maison intérieure, dans mon âme, dans ma chambre intime, dans mon cœur, le visage aussi troublé que l’esprit, je dis je ne sais quoi, le bouillonnement intérieur m’arracha je ne sais quoi. Mon front, mes joues, mes yeux, mon teint, l’accent de ma colère en disaient plus sur mon âme que les mots que je proférais violemment.