1 Timothée 3, 1-16

Garder le mystère de la foi dans une conscience pure

Cardinal John Henry Newman

Le Mystère de l’Eglise, p. 142s

 

          A chaque époque de l’histoire chrétienne, depuis qu’on a commencé à prêcher l’évangile, il y a eu ce que l’on peut appeler une religion du monde. Elle imite à ce point la vraie religion que s’y trompent ceux qui sont mal affermis et ne font pas attention. A toutes les époques, le monde, en un sens ou en un autre, a reconnu l’évangile du Christ, s’est attaché à l’une ou l’autre de ses particularités qu’il a professé et intégré dans ses propres usages. Mais, négligeant en même temps les autres points de la sainte doctrine, il a, en fait, défiguré et corrompu même cet aspect de l’évangile auquel il a donné une importance exclusive, et a ainsi abouti à évacuer le tout. Qui ne cultive qu’un seul précepte de l’évangile à l’exclusion du reste, en réalité ne s’attache à aucun. Même l’expérience ordinaire de la vie nous apprend qu’une demi-vérité est souvent la plus grossière et la plus pernicieuse des faussetés.

          Comment se présente en ce moment la religion du monde ? Elle a retenu le beau côté de l’évangile, son message de consolation, son commandement de l’amour, tandis que le côté plus sombre, tout ce qui donne une idée plus profonde de la condition humaine et de ses perspectives d’avenir, est relativement oublié. Elle est la religion naturelle à une époque civilisée, et que Satan a camouflé en une parfaite idole de la vérité.

          Avec la culture de l’intelligence, l’éducation du goût, le raffinement des affections et des sentiments, la société va naturellement présenter un visage de plus en plus honnête et aimable, et qui ne doit rien à l’influence de la Révélation. Cette beauté et délicatesse de la pensée qu’on admire tant dans les livres, on va alors vouloir la mettre dans toute la conduite de la vie, tout ce que nous avons, tout ce que nous faisons, et tout ce que nous sommes. Nos manières sont courtoises, nous évitons de faire souffrir et de froisser ; nous tenons à la correction de notre langage, nous nous acquittons avec soin de nos devoirs envers les autres. Et ainsi peu à peu on fait de l’élégance le signe et le modèle de la vertu.

          A notre époque, on remplacera par des citernes creusées de main d’homme la source de la vérité, on aura peur du puits profond, de l’abîme des jugements de Dieu et de Ses miséricordes.