Ephésiens 4, 1-16

Evangile ou Torah ?

Père David-Marc d’Hamonville

Matthieu, la parole pleine à craquer, Matthieu 1-7, p. 23s

 

                Matthieu est singulièrement ambitieux : il intitule son ouvrage : Livre de la Genèse ! Rien que ça ! Le scribe Matthieu entend-il donc réécrire la Torah ? Alors il ne faudrait pas s’étonner qu’une tension extrême saisisse aussitôt le lecteur juif qui s’aventure ici, hier comme aujourd’hui…

                Ces premiers mots trahissent, ou plutôt, manifeste délibérément le projet incroyablement audacieux de l’évangéliste Matthieu : l’expression Le livre de la Genèse, qui est devenue le titre grec du premier livre de la Torah, est textuellement présente dans la traduction grecque, les Septante, à la fin du livre des sept jours (2,4 LXX). Ce verset-titre de l’évangile de Matthieu va indéniablement compter, quand il s’agira, longtemps après, de placer en tête ce livre-là pour en faire le tout premier livre du Nouveau Testament des Chrétiens. Pour Matthieu, comme déjà pour son prédécesseur Marc dont il a le récit dans le cœur et sous les yeux, tout commence ou recommence avec Jésus Christ, en Jésus Christ. Mais vingt ans plus tôt, Marc avait choisi comme titre Evangile, et même plus précisément Commencement de l’Evangile. Ce titre était une ouverture, il innovait, il regardait vers l’avenir.

                Avec le livre de la Genèse, le déplacement est sensible : cet évangile-là veut dire la nouveauté de Jésus Christ par rapport à la Torah, à moins qu’il ne dise la Torah renouvelée en Jésus le Christ ? Le regard vers l’avenir se double en tout cas d’un regard rétrospectif. Quand Marc parlait de l’Evangile de Jésus Christ, Fils de Dieu, on percevait d’emblée la dimension théologique du récit annoncé. Quand Matthieu parle de Jésus Christ, fils de David, fils d’Abraham, le lecteur entend bien davantage sa dimension historique. Sa dimension messianique est aussi redoublée : ce Christ, l’Oint, Celui qui a reçu l’onction, en hébreu, meshiah, le Messie, est déclaré aussitôt fils de David, ce qui semble une façon de l’authentifier. Paul, très économe de données historiques concernant le Christ, nous fournit en ce domaine le témoignage le plus ancien, le proclamant dans son kérygme, né de la descendance de David selon la chair (Romains 1,3). Mais alors, pourquoi remonter à Abraham ?