Jean 3, 13-17

« Le symbole de la croix »

Dominique Ponnau

Le Monde de la Bible, mars-avril 1996, Aux origines de la croix, p. 5s

 

          Le symbole de la croix précède et excède les limites du monde chrétien. Pourtant, il est devenu le signe par excellence de la singularité et de l’universalité chrétiennes. Bien avant le Christ, et depuis le Christ, hors des terres évangélisées, la croix est l’un des symboles cosmiques les plus répandue et les plus parlants. Il unit tous les « Orients » du sol, du ciel, de l’espace. Bien avant le Christ, elle fut l’instrument d’un supplice effroyable et honteux, réservé au rebut de l’espèce humaine : l’esclave révolté. Mais le Christ a fait de la croix le symbole du Christ et celui des disciples

            « Les juifs demandent des miracles et les Grecs recherchent la sagesse ; mais nous, nous prêchons un Christ crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les païens, mais pour ceux qui sont appelés, tant Juifs que Grecs, il est Christ, puissance et sagesse de Dieu ». Ainsi parle Paul.

            « Qui ne prend sa croix et ne me suit pas digne de moi », dit Jésus lui-même.    Celui qui, selon ses disciples, est le Verbe éternel, se donne, dès le début, comme le crucifié crucifiant. Il se donne aussitôt pour tel dans sa parole et dans la parole qu’il inspire. Non dans son image. Il faut attendre le IV° siècle pour que la croix du Christ soit offerte au regard ; il faut qu’elle ait été « inventée » à Jérusalem par sainte Hélène et qu’elle ait paru, glorieuse, dans le ciel de la Ville sainte. Elle sera, dès lors, fait du plus précieux métal et sertie de joyaux. Il faudra attendre des siècles, encore, pour que le crucifié, proclamé peu d’années après son supplice, soit représenté lui-même sur la croix.

            Paradoxe d’un symbole cosmique et d’un symbole d’infamie, paradoxe de gloire proclamé par la voix, mais longtemps insupportable aux yeux. On put très tôt faire scandale en proférant le nom de la croix et celui de Jésus crucifié. On ne put que longtemps après offrir au regard la croix elle-même et, sur elle, plus tard encore, Celui qu’on y avait cloué.

            Le sceau de la croix est devenu, sur le monde, le sceau chrétien par excellence. Et sur lui le chrétien contemple le Dieu qui « s’est fait obéissant jusqu’à la mort, la mort sur une croix ».

            Le Christ et les chrétiens n’ont pas inventé le symbole cruciforme de la gloire cosmique et du plus cruel des châtiments. Ils en ont fait le lieu de la pénétration du Dieu transcendant dans le système de la déréliction humaine. Jésus, cloué dessus, l’a proposé, d’une manière unique au sommet de la montagne sainte, où chacun désormais peut le contempler, du fond de la vallée de sa vie, soit comme un exemple insigne de don et d’amour, soit comme le signe même du don de l’amour.