Luc 22, 24-30

Vous êtes, vous, ceux qui ont tenu bon avec moi dans les épreuves

Saint Grégoire le Grand

Morales sur Job, Livre I, 54-54, SC 32, p. 177s

 

          Qui est celle-ci qui s’élève du désert comme une mine tige de fumée montant des aromates de myrrhe, d’encens et de toutes sortes de poudres de parfumeurs ? La sainte Eglise, telle une mince tige de fumée, s’élève des aromates ; sortant de ses vertus, son encens intérieur monte chaque jour plus droit ; ne se laissant pas étaler dans la dispersion des pensées, elle se resserre au fond secret du cœur en une tige d’inflexible droiture. Ne cessant de méditer et de réfléchir sur ce qu’elle fait, elle réduit en poudre, par la méditation, la myrrhe et l’encens de ses œuvres.

          De là vient l’ordre donné à Moïse pour ceux qui offrent la victime : On dépouillera de sa peau l’holocauste et on le découpera en morceaux. Nous dépouillons un holocauste de sa peau, quand nous écartons des yeux de notre âme les apparences de vertu ; nous coupons l’oblation en morceaux, quand analysant avec rigueur l’intime de notre âme, nous la représentons dans le détail. Il faut donc, après notre victoire sur le mal, veiller à ne pas achopper à des biens frivoles, à ne pas donner à la nonchalance occasion de progrès, à ne pas prendre de décisions irréfléchies, à ne pas égarer l’âme et la fourvoyer, à ne pas lui faire perdre, brisée de lassitude, le bénéfice du travail accompli. L’esprit doit avec vigilance s’examiner sur toutes choses, et ne pas se départir de cette prudente circonspection.

          Job agissait ainsi chaque jour.

          Il est inutile de bien faire si l’on ne continue pas jusqu’à la mort. Il est inutile de courir vite si l’on s’arrête avant le but. Aussi est-il dit des réprouvés : Malheur à ceux qui ont perdu la patience. Aussi la vérité dit-elle à ses élus : Vous êtes, vous, ceux qui ont tenu bon avec moi dans les épreuves. De là, Joseph qu’on nous décrit comme ayant persévéré jusqu’au bout dans la justice parmi ses frères, nous est montré avoir porté seule une robe descendant jusqu’à terre. Que symbolise cette robe descendant jusqu’à terre, sinon une action achevée ? Une longue tunique en effet nous couvre pour ainsi dire jusqu’à la fin de notre vie. De là vient que, par l’intermédiaire de Moïse, il est prescrit d’offrir sur l’autel la queue de la victime, pour que nous accomplissions aussi avec persévérance tout le bien que nous entreprenons. Par conséquent, les choses bien commencées doivent être poursuivies chaque jour ; alors après avoir repoussé le mal en combattant, la constance saisira la victoire du bien.