Esther 5,1-14 + 7,1-10

Le deuxième banquet

Jean-Daniel Macchi

Esther, le courage et la ruse, p. 40s

 

                Le deuxième banquet d’Esther achève le retournement de situation. S’engage d’abord un dialogue entre Esther et le roi ; après que le roi ait réitéré sa promesse de répondre favorablement à la requête d’Esther, elle utilise des formules d’une extrême déférence pour lui demander sa vie et son peuple. En liant ainsi sa vie et celle de son peuple, elle révèle au roi son identité familiale et ethnique, cachée jusque-là et se solidarise des siens.

                La formulation qu’Esther utilise fait référence à la vente des Juifs pour 10 000 talents proposés par Haman ; en outre l’expression pour exterminer, pour tuer et pour faire disparaître reprend les verbes terrifiants utilisés dans l’édit d’Haman ! Finalement Esther précise que si les Juifs n’avaient été vendus que pour devenir des serviteurs, elle n’aurait pas jugé bon de déranger le souverain, car cette adversité ne serait pas égale au trouble du roi. Cette formule particulièrement obséquieuse n’est pas sans ironie puisqu’elle suggère qu’à la cour, le droit et la justice sont fort peu considérés puisqu’on ne dérange pas le roi seulement pour sauver une population de la servitude.

                Le roi rétorque en demandant l’identité du responsable intellectuel de la condamnation : Qui est-il et où est-il celui qui a rempli son cœur de faire cela ? La question est assez cocasse puisque cette personne est sous ses yeux. Esther désigne alors directement Haman en le qualifiant d’adversaire, d’ennemi, et de méchant.

                Le piège se referme. Ivre et surpris d’apprendre que le premier ministre qu’il a glorifié et la reine qui a sa faveur sont de féroces ennemis, le roi explose de colère. Il condamne Haman à mort. On lui couvre alors la face, un acte classique dans un tel cas. Le texte souligne la déchéance du personnage. Haman était endeuillé et la tête couverte, alors qu’il revenait de la parade organisée pour Mardochée. Maintenant d’autres lui couvrent la tête avant qu’il ne soit exécuté et son corps exhibé de la façon qu’il prévoyait pour Mardochée.