Sur Genèse 3, 9-20

L’excellence de Marie
Pierre de Bérulle
La vie de Jésus, Œuvres complètes, tome 8, p. 221s

Marie est en l’Eglise ce que l’aurore est au firmament, et elle précède immédiatement le soleil. Mais elle est plus que l’aurore, car, ce soleil, elle ne le précède pas seulement, elle doit le porter, l’enfanter au monde, lui donner la vie, le salut, la lumière à l’univers, et y produire un Soleil d’Orient duquel celui qui nous éclaire n’est que l’ombre et la figure. La terre qui méconnait Dieu, méconnait aussi cet ouvrage de Dieu en la terre. Elle naît à petit bruit sans que le monde en parle, sans qu’Israël même y pense, bien qu’elle soit la fleur d’Israël et la plus éminente de la terre. Mais si la terre n’y pense pas, le ciel la regarde et la révère comme celle que Dieu a fait naître pour un si grand sujet et pour rendre un si grand service à sa propre personne, c’est-à-dire pour la revêtir un jour d’une nouvelle nature. Et ce Dieu qui veut naître d’elle, l’aime et la regarde en cette qualité. Son regard n’est pas alors sur les grands, sur les princes que la terre adore ; mais le premier et le plus doux regard de Dieu en la terre est vers cette humble vierge que le monde ne connaît pas. C’est alors la plus haute pensée que le Très-Haut ait sur tout ce qui est créé : il la regarde, la chérit, la conduit, comme celle à qui il veut se donner soi-même, et se donner à elle en qualité de Fils et la rendre sa Mère. Il la comble de grâces et de bénédictions dès sa conception. Il la sanctifie dès son enfance, il la garde du monde et la consacre en son Temple, pour marque et figure qu’elle sera bientôt consacrée au service d’un temple plus illustre et plus sacré encore. Là, en sa solitude, il la garde, il l’environne de sa puissance, il l’anime de son Esprit, il l’entretient de sa parole, il l’élève de sa grâce, il l’éclaire de ses lumières, il l’embrase de ses ardeurs, il la visite par ses anges, en attendant que lui-même la visite par sa propre personne. Il rend sa solitude si occupée, sa contemplation si élevée, sa conversation si céleste que les anges l’admirent et la révèrent comme une personne plus divine qu’humaine. Elle n’a aucune pensée que par sa grâce, aucun mouvement que par son Esprit, aucune action que pour son amour. La mission tend à celui qui est la vie du Père et sera bientôt sa vie et s’appelle la Vie dans les Ecritures. Ce terme approche, et le Seigneur est avec elle, la remplit de soi-même, l’établit en une grâce si rare qu’elle ne convient qu’à elle. Car cette vierge cachée en un coin de la Judée, inconnue à l’univers, fiancée à Joseph, fait un cœur à part dans l’ordre de la grâce, tant elle est singulière.