Sur Jude 1-25
La lettre de Jude
Père Amédée Brunot
Saints et saintes de l’Evangile, p. 132s

C’est un petit écrit de vingt-cinq versets. Le style est à la fois d’un palestinien imprégné de la Bible et de la littérature apocalyptique qui foisonnait au premier siècle et d’un homme qui maniait bien de grec. La connaissance par un même homme du grec et de l’hébreu s’explique aisément dans une capitale cosmopolite comme Jérusalem, où la formation biblique et rabbinique n’empêchait pas de devenir helléniste. D’ailleurs des incorrections et des sémitismes trahissent le terroir palestinien.
L’auteur déclare lui-même qui il est : Jude, serviteur de Jésus-Christ, frère de Jacques. Son but, en écrivant ce billet à ses communautés palestiniennes, est de dénoncer avec force de graves fléchissements d’ordre moral et des aberrations doctrinales. Quelques individus s’élèvent contre la doctrine traditionnelle de l’Eglise, mettent la foi en péril, créent des divisions parmi les fidèles, ressemblent à des arbres morts et déracinés, aux nuages emportés par le vent, aux anges rebelles. Leur châtiment sera tragique et exemplaire. La violence du ton, contrastant avec l’imprécision sur ces individus et leurs déviations, montre bien que Jude perçoit le péril sans pouvoir ou savoir le préciser, signe que ces infiltrations hérétiques étaient récentes et encore très floues. Nous saisissons les premiers germes du gnosticisme chrétien qui se développera au siècle suivant.
En dégageant les traits polémiques, cette lettre de Jude nous livre quelques témoignages précieux sur la pensée et la vie des premières communautés chrétiennes de Palestine. Les fidèles prient le Dieu unique à qui appartient la gloire, la majesté, la domination, la puissance de toute éternité. Ils connaissent la Trinité, constituée par le Père, Jésus-Christ, et l’Esprit-Saint. La préexistence du Verbe semble affirmée lorsque Jude, parlant de Jésus-Christ et de son action immédiate sur l’histoire juive, l’appelle le Seigneur. Jésus-Christ a été envoyé par le Père pour sauver le monde. L’Esprit-Saint est présent à l’âme du fidèle, et c’est en lui que doit être formulée notre prière.
La foi constitue le fondement de la vie chrétienne. Elle a été transmise une fois pour toutes : elle est donc déjà une tradition qui ne change pas, un dépôt qu’on doit conserver intact. Elle est inséparable de la charité. Il faut demeurer ferme dans l’amour de Dieu si l’on veut envisager avec confiance le Jour du Seigneur. La vie éternelle est promise à ceux qui auront tenu fermement, mais pour les autres, anges et hommes, le châtiment sera inexorable.
La lettre se termine par un fragment d’hymne liturgique, précieux témoin des chants et des prières des premiers fidèles palestiniens.