sur Esther 4, 9-16
L’Eglise est plus forte que le ciel

Saint Jean Chrysostome
Homélie avant le départ de Jean Chrysostome en exil, OC 6, p. 72s

Les flots s’amoncellent, la tempête devient de plus en plus furieuse, mais nous ne craignons pas d’être submergés : nous sommes appuyés sur la pierre. Que la mer se déchaîne avec fracas, elle ne brisera pas cette pierre, que les vagues s’élèvent, elles ne peuvent pas engloutir le vaisseau de Jésus. Que craindrions-nous, je vous le demande ? La mort ? Je n’ai pas d’autre vie que le Christ et mourir m’est un gain. L’exil ? La terre est au Seigneur, et toute son étendue. La confiscation des biens ? Nous n’avons rien apporté dans ce monde, et bien certainement nous ne pourrons rien en emporter. Les menaces de ce monde ? Je les foule aux pieds ; ses promesses, j’en ris. Je ne crains pas la pauvreté, je ne désire pas les richesses ; la mort ne me fait pas trembler, je ne désire pas la vie, à moins que ce ne soit pour votre avancement dans le bien. Voilà pourquoi je mets sous vos yeux les choses présentes, en exhortant à la confiance. Nul ne pourra nous séparer ; ce que Dieu a uni, l’homme ne saurait le désunir. Si vous ne pouvez rompre le lien conjugal, combien moins pourrez-vous rompre le faisceau de l’Eglise.
Mais vous lui faites la guerre, quoique vus soyez incapable de nuire à celui que vous poursuivez de votre fureur ; vos ne ferez qu’augmenter ma gloire, tout en brisant votre force dans le choc : Il vous est dur de regimber contre l’aiguillon. Vous n’en émousserez pas les pointes, vous ensanglanterez seulement vos pieds : les ondes furieuses ne détruisent pas le roc, elles-mêmes se réduisent en écume. Rien n’est fort comme l’Eglise ; ô homme, cesse de l’attaquer si tu ne veux y laisser toutes tes forces ; ne fais pas la guerre contre le ciel. Quand tu la fais à l’homme, tu ne peux être ou vainqueur, ou vaincu ; mais en attaquant l’Eglise, il est impossible que tu sois vainqueur, par la raison que la puissance divine s’élève au-dessus de tout. Est-ce que nous voulons rivaliser avec Dieu ? Est-ce que nous nous croyons plus forts que lui ? C’est Dieu qui a fait l’Eglise et qui l’a consolidée : qui pourra l’ébranler ? Ignorez-vous donc qu’elle est la puissance de Dieu ? Il regarde la terre, elle tremble. Il dit un mot, et ce qui était ébranlé redevient stable. S’il a raffermi la cité chancelante, à plus forte raison lui sera-t-il aisé de maintenir la stabilité de son Eglise. Je dis plus, l’Eglise est plus forte que le ciel. Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas. Quelles paroles ? Celles-ci par exemple : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle.