Sur Tobie 6, 2-18
La délivrance dans la conversion
Père Jacques Goettmann
Le livre des conseils, miroir du juste engagé dans le monde, BVC 21, p. 38s

Le livre de Tobit nous invite à nous convertir pour marcher dans les voies de Dieu et réaliser son dessein. Pour la famille Tobie, pour le peuple d’Israël, pour nous, il s’agit de passer d’une religion où l’on se sert plus ou moins de Dieu, à une religion où l’on sert le dessein de Dieu. Cette conversion demande une ouverture des yeux et du cœur, non plus à la mesure du besoin que nous avons de Dieu, mais à la mesure du besoin que Dieu veut avoir de nous, à la mesure de ses desseins sur nous.
Pour nous faire changer de plan, la Parole de Dieu opère par les événements. Par eux, elle nous pose des questions et remet en question notre vie. Le Seigneur ne répond jamais à nos fausses questions, mais ne cesse de nous interroger et de nous adresser son appel. La Bible est une mystérieuse interrogation, et non une provision de réponses toutes faites. Nos besoins sont trop égoïstes, nos demandes trop mal posées, pour que Dieu y réponde. Les exaucer serait nous rendre de mauvais services.
C’est à nous à rendre service à Dieu, à répondre à ses questions, à son appel, à obéir à sa volonté, à entrer dans son dessein, à imiter ses perfections, à nous pénétrer de son Esprit. C’est là notre réponse, notre responsabilité, notre vocation. Ses questions, ses volontés, ses appels, Dieu ne les fait pas entendre en l’air, mais sur terre, en chaque créature, en chaque événement, en chaque talent qu’il nous confie. Le livre de Tobie nous le montre à chaque pas, mais surtout il nous révèle comment Dieu ne renonce pas à ses questions, à son dessein, parce que l’homme l’a mal interprété, a cru y échapper ou cesse d’y progresser. Le créateur, qui tire tout du néant, veut tirer le bien du mal. Pour ramener l’homme à ses desseins, il remet sa vie en question par l’obstacle inattendu, l’épreuve.
Si l’homme se prête à cette douloureuse opération, il a la joie d’expérimenter en lui une métamorphose tellement profonde qu’elle va jusqu’à greffer en lui les yeux, les mains, le cœur de Dieu. Alors les vues de Dieu éclairent son intelligence, sa volonté agit par ses mains, son amour anime son cœur. C’est l’épanouissement de la foi, de l’espérance, de la charité.
Le livre de Tobie est le livre du plan de Dieu révélé aux yeux illuminés par la foi, le livre de la réalisation de ce plan par des pèlerins pleins d’espérance, le livre de la fécondité de ce plan dans des cœurs animés de la charité. Au cœur de cette triple conversion de l’homme appelé à connaître, à servir, à aimer le Seigneur, nous percevons l’action bienfaisante de ces trois instincts spirituels qui se cherchent jusqu’à ce que Jésus en fasse les trois conseils évangéliques, et l’Eglise les trois vœux de la vie parfaite : l’obéissance, la pauvreté, la chasteté.