Sur Judith 2,1-12 . 4,9-15
Judith
Père Paul Beauchamp
Cinquante portraits bibliques, p. 239s

Judith, nom qui signifie la juive, a tranché la tête d’Holopherne, un général commandant l’armée de Nabuchodonosor, après l’avoir séduit et lui avoir fait croire qu’elle céderait à son désir. Elle a, en frappant le chef, mis en déroute son armée et sauvé son peuple. Tel est l’argument du livre de Judith.
Le livre de Judith est à l’aise dans la démesure. Nabuchodonosor ne veut rien de moins que se venger de toute la terre, perdre toute chair ; il décida de sa propre bouche tout le châtiment de la terre. Projections fantastiques…, mais le siècle dernier les a remplies avec des faits réels.
Nabuchodonosor prétend finalement remplacer tous les dieux de la terre par lui-même. Judith parodie ce style pour tromper Holopherne : Les bêtes sauvages, le bétail et les oiseaux du ciel vivront par ta vigueur pour Nabuchodonosor et toute sa maison, dit-elle à ce militaire. Tout va jusqu’au bout, des vérités d’une portée nouvelle et décisive creusent le chemin de leur accomplissement.
Le salut vient d’une femme, mais cela ne veut pas dire qu’il vienne à travers sa faiblesse ! Le salut jaillit plutôt sur la ligne très fine qui sépare la loi et la transgression. Dès l’origine, les épouses des patriarches, à commencer par celle d’Abraham, nous étaient montrées accessibles, réellement ou virtuellement, à l’étranger, égyptien ou philistin. Esther, exilée, n’a pu être refusée au païen vainqueur, et partage sa couche. Judith s’expose, elle, au déshonneur quand elle entre parée et parfumée sous la tente d’un guerrier imbu de sa force et qu’elle s’étend à ses pieds pour un banquet. Or, elle se glorifie d’avoir pour ancêtre Siméon, lui qui a vengé dans le sang d’une population entière le viol de sa sœur Dinah. Judith va mentir pour tuer, mais aura pensé à apporter sa propre nourriture à la table d’Holopherne pour obéir aux rites, et se purifiera chaque nuit dans la rivière. Elle ment à l’Assyrien en prétendant qu’Israël lui sera livré en punition d’un péché qu’elle invente, mais lui dit vrai en affirmant que Dieu protégerait Israël s’il n’avait pas péché. Cette femme n’est pas admirée seulement parce qu’elle a risqué sa vie, mais pour avoir, sûre de Dieu, et de sa propre détermination, affronté le risque de transgresser. Ici nous est donné le spectacle d’une vertu qui fait plus qu’éviter le mal : elle s’en approche assez près pour l’éteindre. Seule la vie peut vaincre la mort.