Sur Judith 5, 1-22
Le conseil de guerre d’Holopherne
Abbé Jean Steinmann
Lecture de Judith, p. 55s

Avant d’attaquer Béthulie, Holopherne réunit son état-major. IL paraît tout ignorer des Juifs. Il interroge ceux que l’on appellerait aujourd’hui ses officiers de renseignements. Un général ammonite, nommé Achior, prend la parole.
Pour répondre à la question d’Holopherne, Achior brosse un tableau du destin d’Israël. Son discours est beaucoup moins un compte-rendu d’officier d’état-major que la récitation par un prosélyte païen de sa leçon de catéchisme. Ce résumé de l’Histoire Sainte est très habile puisque le peuple juif est rattaché aux Chaldéens, tandis que l’Egypte est désignée comme son ennemie. Parlant à un général des Ptolémés, Achior aurait pu tout aussi bien exalter le rôle de Joseph avec la fille de Pharaon. Naturellement, Achior se garde bien de dire qui a détruit le Temple de Jérusalem puisqu’il lui faudrait, ô paradoxe, nommer Nabuchodonosor, au grand étonnement d’Holopherne. D’ailleurs, tout nom propre de personne, y compris ceux d’Abraham et de Moïse, est exclu de ce petit Credo du prosélyte. Yahvé non plus n’est pas nommé ; il est seulement désigné comme le Dieu du ciel. La liste des peuples chassés par les Hébreux, lors de leur installation en Palestine, est empruntée au Pentateuque.
La doctrine sous-jacente au credo d’Achior est celle de la rétribution collective et temporelle du bien et du mal. Elle correspond au pragmatisme moral qui anime toute l’histoire, allant du Deutéronome au second livre des Rois. En adoptant ce principe rigoureux de théologie morale, l’auteur du livre de Judith fait provisoirement figure d’archaïsant, mais il prépare aussi directement le dénouement de son drame, qui viendra illustrer partiellement cette thèse si chère à tant d’auteurs sacrés.
Naturellement, la harangue pro-sémite d’Achior provoque dans l’assemblée des généraux assyriens ce que l’on appellerait aujourd’hui des mouvements divers. Holopherne est amené à formuler le but religieux de sa campagne militaire : faire reconnaître par le monde entier l’unique divinité de Nabuchodonosor. Il condamne Achior à un supplice raffiné : on va le livrer aux Juifs dont il partagera le sort !