Sur Siracide 14,20-15,10
La Sagesse, mère et éducatrice

Père Pierre Bonnard
La Sagesse en personne annoncée et venue : Jésus Christ, p. 63s

Si la sagesse en l’homme est fille de la crainte de Dieu, la Sagesse de Dieu reste mère et maîtresse de la crainte salutaire que l’homme doit éprouver en face de son créateur. Ben Sira présente cette Sagesse comme revêtue de l’autorité même de Dieu : Ceux qui me servent, servent le Saint, et ceux qui m’aiment, le Seigneur les aime. La Sagesse ne saurait dire plus fortement qu’elle est l’alter ego de Dieu. Jésus, lui, aura conscience que qui l’honore, honore le Père, que qui le reçoit, reçoit Celui qui l’a envoyé, que qui l’aime, est aimé du Père. De plus, comme son incarnation est réelle, le Fils de Dieu, Sagesse faite homme, pourra affirmer que servir l’homme, c’est le servir lui-même, et par là servir Dieu. Aussi, ce culte que Ben Sira réclame pour la Sagesse, Paul le vouera au Seigneur Jésus en se proclamant liturge du Christ et prêtre de l’évangile de Dieu (Romains 5,12). Ainsi dotée des pleins pouvoirs divins, la Sagesse peut d’adresser aux hommes et leur redire que leur sort dépend de l’attitude finale qu’ils prendront à son égard.
Qui suit la Sagesse trouve la sécurité, qui se détourne d’elle va vers la perdition, vers la chute. La Sagesse est donc le grand signe de contradiction pour les hommes, comme Dieu lui-même, le rocher qui porte ou qui fait tomber, comme plus tard Jésus, placé parmi les hommes pour leur chute ou pour leur relèvement. Puisque l’enjeu est si grave et son autorité si grande, la Sagesse peut exiger beaucoup. De fait elle demande à l’homme un attachement indéfectible. Il faut la chercher, l’aimer, se lever de bon matin pour elle, la servir, lui obéir, s’attacher à elle, lui faire confiance, s’approcher d’elle de toute son âme, se fatiguer pour elle, garder ses directives de toutes ses forces, suivre ses traces, et aller jusqu’à la revêtir.
Ainsi, Se lever de bon matin, c’est ce que font, pour aller trouver Dieu, les Israélites du Nord, tout le peuple de Dieu éprouvé, chaque fidèle, chaque sage ; et dans le Nouveau Testament, si le terme ne vient qu’une seule foi, c’est pour signaler que le peuple se lève de bon matin afin de venir dans le Temple pour écouter Jésus. Un tel empressement dénote une grande confiance. Ben Sira ne donne pas facilement sa confiance à l’homme, pas même à son ami ; pourtant, il prescrit de se fier au Seigneur, à la Loi, à la Sagesse. Tout au long de l’évangile, Jésus demandera qu’on lui accorde une confiance totale ; lui aussi, il faudra l’écouter, le servir, le suivre, s’attacher à lui, se fatiguer pour lui, et garder sa présence enveloppante au point de le revêtir. Jésus reprend à son compte les attitudes souveraines de Dieu et de la Sagesse en face des humains qu’il invite au Salut.