Sur Siracide 35, 1-18
Les conditions d’une remise en grâce
Père André Barucq
Du talion au pardon, AS 55, p. 7-8

Par remise en grâce, nous voulons exprimer la re-création, par Dieu, d’une situation d’intimité de l’homme avec lui. On ne peut parler de rentrée en état de grâce en plaquant, sur le texte du Siracide que nous venons d’entendre, une théologie chrétienne de la grâce, participation à la vie divine. Il s’agit aussi de bien davantage qu’une rentrée dans les bonnes grâces du Seigneur : du pardon du péché que seul Dieu peut remettre, et qui constituera pour l’homme une guérison.
Que faire pour obtenir le pardon de Dieu ? L’Ancien Testament a souvent souligné la miséricorde divine : la plupart du temps, Dieu prend l’initiative de pardonner. Quoiqu’ils la lient au pardon, les prophètes présentent la conversion plutôt comme une conséquence que comme une condition de celui-ci. Pour le Siracide, il appartient à l’homme de faire le premier pas : il doit prier pour obtenir la rémission de ses péchés, sa guérison. On ne peut d’ailleurs présenter cette idée comme absolument neuve : Moïse (Exode 34,6-9), les psalmistes (32,5 ; 51,11-12) imploraient le pardon. Aussi le Dieu des vengeances pouvait-il apparaître également comme le Dieu des miséricordes.
L’enseignement fondamental de ce passage se trouve dans une seconde condition, essentielle par ailleurs à l’efficacité de la prière : le pardon des offenses. Déjà s’y exprime le commandement évangélique de l’amour du prochain poussé jusqu’au pardon. Le livre des Proverbes ouvre la voie à cette perception, mais ne met pas aussi nettement en relation le pardon accordé au prochain et celui qu’on attend de Dieu.
De plus, le verset 7 relie aux commandements l’invitation de passer par-dessus l’offense. Rien dans le Décalogue ne formule un tel précepte. On le trouve par contre dans la législation sacerdotale du Lévitique (19,17-18) qu’a reprise le Christ en Matthieu 22,37-40, où il lie le précepte fondamental de la Loi d’aimer le Seigneur à celui d’aimer le prochain. Ici se précise d’ailleurs, dans la terminologie biblique, l’idée de dette envers le Seigneur et envers le prochain, mot que reprendra le Notre Père en Matthieu 6,12.
Le message du texte du Siracide entendu prépare à recevoir l’enseignement du Christ sur l’amour des autres et le pardon de leurs torts. Il nous invite à prendre au sérieux les termes de notre imploration si fréquente, parfois si peu réfléchie : Pardonne-nous comme nous pardonnons. Et à nous rappeler les paroles de l’héroïque pardon prononcées par le Christ au moment où il inaugurait par son sang la Nouvelle Alliance : Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font !