Sur Sagesse 7,15-30
La sagesse se montrera

Saint Augustin
Du libre arbitre, livre II, chapitre 16, OC 3, p. 355s

Quand nous nous appliquons à l’étude de la sagesse, faisons-nous autre chose que de lier, pour ainsi dire, notre âme tout entière, avec tout l’empressement dont nous sommes capables, à l’objet que notre esprit a saisi, de l’y placer et de l’y fixer d’une manière durable, pour l’empêcher ainsi de jouir de son moi qu’elle a embarrassé dans les choses passagères, et pour que, dépouillée de toutes les afflictions du temps et de l’espace, elle s’attache à ce qui est un et toujours durable ? Car, de même que toute la vie du corps, c’est l’âme, de même la vie heureuse de l’âme, c’est Dieu. Occupés à ce travail, nous sommes dans la voie, tant que nous ne l’avons pas achevé. Et quant à cette concession qui nous est faite de jouir de biens vrais et certains, quoiqu’ils ne répandent encore leur lumière que dans un chemin ténébreux, voyez si ce qui est écrit de la sagesse ne se réalise pas à l’égard de ceux qui l’aiment lorsqu’ils viennent à elle et qu’ils la recherchent. Elle se montrera à eux sur les chemins avec un visage riant, et elle ira à leur rencontre avec le cortège de sa providence (Sagesse 7,17). De quelque côté, en effet, que vous vous tourniez, elle vous parle par les traces mêmes dont elle a laissé l’empreinte sur ses œuvres ; et lorsque vous retombez dans les choses extérieures, elle vous rappelle au-dedans jusque dans les formes de ces créatures, et cela, afin que voyant que tout ce qui vous charme dans les corps et vous attire par vos sens corporels, est plein de nombres, vous en recherchiez l’origine, vous rentriez en vous-même et compreniez que vous ne pourriez rien approuver ni désapprouver de ce que vous saisissez par les sens corporels si vous n’aviez pas près de vous certaines règles du beau auxquelles vous rapportez toutes les beautés extérieures dont vous avez le sentiment.
Dans un corps, regardez la beauté de la forme ; regardez la beauté du mouvement. Elevez votre esprit : alors la sagesse brillera devant vous du haut de son siège intérieur et du fond même du sanctuaire de la vérité ; et si elle éblouit votre regard encore trop faible, reportez alors l’œil de votre esprit dans la voie où la sagesse se montrait à vous avec un visage joyeux. Et souvenez-vous que vous n’avez fait que différer une contemplation à laquelle vous reviendrez quand vous serez plus sain et plus vigoureux.