Sur Sagesse 8, 1-21
La Sagesse comme épouse
Père Paul Beauchamp
La Sagesse de l’Ancien Testament, Epouser la Sagesse, p. 349s

Dès ma jeunesse, j’ai chéri et recherché la Sagesse, je me suis efforcé de l’avoir pour épouse (Sagesse 8,2). Voici une autre face de la Sagesse recherchée comme épouse. Ce fait, à première vue, surprend ; il est cependant possible de voir ici une nouveauté qui ne rompt pas avec la tradition. En effet, le thème de la Sagesse épouse n’est pas entièrement nouveau, mais il restait jusqu’alors joint au thème du bonheur familial comme signe et fruit de la Sagesse : la première partie du livre des Proverbes (1-9) l’imprime fortement dans les esprits. Si le sérieux de l’union avec la Sagesse amène certains hommes et certaines femmes à le signifier librement par l’exclusion de toute autre union, le signe serait donné que la Sagesse n’est pas une fiction de rhétorique, et la ligne de réalisme qui a toujours inspiré la pensée sapientielle serait confirmée. Ce genre de preuve pourrait, il est vrai, dépasser son but : beaucoup d’idoles et de déesses ont voulu prouver leur réalité en demandant des sacrifices de ce genre et le veulent encore. Il est toujours possible que des chastetés, libres en apparence seulement, rendent hommage à Moloch plutôt qu’à Dieu. C’est ici que la discrétion de l’auteur apparaît une sauvegarde indispensable ; là où d’autres, peut-être, pesaient sur les consciences, lui aime chastement la chasteté.
Ainsi les deux questions sont liées : savoir jusqu’où va l’enseignement de l’auteur sur la chasteté et savoir si la Sagesse est, pour lui, plus que pure allégorie. Cette deuxième question est vaste, mais on peut tirer des leçons avec la composition de ce chapitre. Dans le mouvement, familier de la rhétorique ancienne, de double récurrence des signifiants, les bienfaits de la Sagesse se répètent. Mais ces constantes donnent toute sa force à ce qui change. Or, c’est dans la deuxième partie du poème que se concentre le thème de l’union nuptiale avec la Sagesse. La variante signifie beaucoup : au départ de la construction, la Sagesse, en mère, donne tous ses biens, et, à son terme, elle se donne elle-même en épouse. Si l’on entend par personne l’unité qui dépasse toute addition de qualités et le centre qui dépasse tout ce que lui-même manifeste, alors, c’est bien vers le concept d’une Sagesse comme personne que ce mouvement conduit. Ce mouvement frappe d’autant plus qu’il est nouveau : la Sagesse, au livre des Rois, était donné à Salomon avec les biens, ce n’est pas elle qui les donnait.