sur Apocalypse 5,1-14 ou 7,1-17
Le bienheureux sort des saints
Saint Aelred de Rievaulx
Sermons pour l’année, sermon 76, Pain de Cîteaux, 24, série 3, p. 171s

Il est aujourd’hui rendu manifeste qu’elle est précieuse aux yeux du Seigneur, la mort de ses saints (Psaume 115,15), comme est très mauvaise la mort des pécheurs (Psaume 33,22). Où est Jules César ? Où est César Auguste ? Où est Néron ? Où est l’empereur Julien ? Leur souvenir a péri avec le bruit qu’ils ont fait (Psaume 9,7). Les justes, par contre, seront en mémoire éternelle (Psaume 111,6). Quoi d’étonnant à ce que soit éternelle la mémoire de ceux dont la vie est éternelle ? Il est le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, et le Dieu de Jacob. Il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants : tous, en effet, vivent pour lui (Luc 20,38). Les saints vivent donc, et ils vivent avec bonheur. Ils vivent pour Dieu, ils vivent pour les anges, ils vivent aussi pour nous. Ils vivent pour Dieu, dis-je, eux qui jouissent de son éternité, eux qui sont éclairés par sa vérité, eux qui sont nourris par sa charité. Ils vivent pour les anges, se réjouissent d’être en leur compagnie. Ils vivent pour nous, dont ils reçoivent aujourd’hui une louange toute pleine d’allégresse. Oui, ils peuvent bien être loués maintenant avec sureté : leur course a désormais pris fin, il n’y a plus à craindre qu’ils s’épuisent ; leur combat a pris fin, il n’y a plus à douter de leur victoire ; ils sont désormais arrivés au port, il n’y a plus à redouter qu’ils fassent naufrage ; ils ont franchi les portes de justice, ils n’appréhendent plus les écarts d’inconduite. A présent, Dieu a essuyé toute larme de leurs yeux, il n’y a plus de pleur, plus de cri, plus de douleur. Cette espérance, frères, les a fait courir de manière à remporter le prix ; elle les a fait se battre de manière à vaincre ; elle les a fait résister au péché de manière à triompher. Jusqu’alors ils ont connu les larmes et la douleur, jusqu’alors ils ont eu faim et soif, jusqu’alors ils ont porté le poids du jour et de la chaleur. Mais jamais plus ils ne souffriront de la faim et de la soif, jamais plus ils ne seront accablés ni par aucun vent, ni par le soleil (Apocalypse 7,16). Pour eux, Pharaon a été englouti dans la mer avec sa cavalerie, tandis que cette armée du Seigneur, à savoir les fils d’Israël, a marché à pied sec au milieu de la mer (Exode 15,19).