Sur 1 Maccabées 6, 1-17
Les jugements de Dieu

Saint Augustin
De la Cité de Dieu, Livre XX, chapitre 1, OC 24, p. 537s

Toute l’Eglise du vrai Dieu fait profession de croire qu’un jour le Christ doit descendre du ciel pour juger les vivants et les morts, et c’est ce que nous appelons le dernier jour du jugement divin, c’est-à-dire la fin des temps. Car on ne sait combien de jours doit durer ce jugement, mais l’Ecriture emploie ordinairement le mot jour au lieu de temps, et celui qui lit même avec négligence ces saints livres ne peut l’ignorer. Or, quand nous parlons du jour du jugement de Dieu, nous ajoutons un mot, le dernier jour ou le jour final, car dès maintenant il juge, et dès le commencement du genre humain il a jugé, quand il chassa du paradis et éloigna de l’arbre de vie nos premiers parents coupables d’une faute grave. Certes, il a aussi exercé un jugement quand il condamna les anges prévaricateurs dont le prince, après avoir été son propre séducteur, séduisit les hommes par jalousie. Et ce n’est pas sans un juste et profond jugement de Dieu que, dans les régions de l’air ou sur la terre, la vie des démons et des hommes est si misérable, si remplie d’erreurs et de souffrance. Mais, quand même personne n’eût péché, ce serait encore par un bon et équitable jugement, que la créature raisonnable demeurerait à jamais unie à son Dieu dans l’éternelle béatitude. De plus en dehors de ce jugement général que Dieu exerce sur les démons et sur les hommes, en les condamnant à la misère à cause des premiers péchés, il juge encore chacun en particulier sur ses œuvres propres qui dépendent de son libre arbitre. Car les démons le prient de ne pas les tourmenter, et c’est avec justice qu’il les épargne, ou qu’ils subissent le châtiment dû à leur perversité. Pour les hommes, ils expient leurs fautes, souvent publiquement, toujours du moins en secret, par les peines que la justice de Dieu leur inflige, soit en cette vie, soit après la mort. Cependant, nul homme ne fait bien, s’il n’est aidé par la grâce divine ; nul démon, nul homme ne fait mal, si Dieu par un juste jugement ne le lui permet, car, dit l’Apôtre, Il n’y a point d’injustice en Dieu. Et ailleurs, Les jugement de Dieu sont impénétrables et ses voies incompréhensibles. Je ne traiterai donc pas en ce lieu des jugements de Dieu, au commencement et dans le cours des siècles, mais seulement, et avec son secours, du jugement dernier, quand le Christ descendra du ciel pour juger les vivants et les morts. Et c’est ce que nous appelons le jour du jugement proprement dit ; car alors ces plaintes de l’ignorance sur la prospérité du méchant et les malheurs de l’homme juste n’auront plus lieu. Alors il sera parfaitement clair que la véritable et complète félicité reviendra aux seuls bons, comme la souveraine misère aux seuls méchants, selon leurs mérites.