Sur Luc 2, 16-21
Mère du Christ, Mère des chrétiens
Bienheureux Guerric d’Igny
Premier sermon pour l’Assomption, SC 202, p. 417s

Marie, cette Vierge Mère se glorifie d’avoir mis au monde le Fils unique du Père des cieux ; elle ne rougit pas d’être aussi appelée mère de tous ceux dans lesquels elle reconnaît son Christ déjà formé ou en formation.
La première Eve, jadis, avait légué à ses enfants la condamnation à mort avant même qu’ils aient vu le jour, et pourtant elle a été appelée la « mère de tous les vivants ». Parce que cette première Eve n’a pu réaliser fidèlement ce que signifie son nom, c’est Marie qui en réalisa le mystère. Comme l’Eglise dont elle est la figure, elle est la mère de tous ceux qui naissent à la vie.
Oui, elle est vraiment la Mère de la Vie dont tous vivent. En engendrant son Fils, Jésus, elle a d’une certaine façon donné la nouvelle naissance à tous ceux qui doivent vivre de cette Vie. Un seul naissait, mais tous nous renaissions. De même, en effet, que nous étions en Adam dès le commencement à cause de la semence de la génération charnelle, de même nous avons été dans le Christ avant le commencement, à cause de la semence de la régénération spirituelle.
Cette Mère bienheureuse du Christ, se sachant mère des chrétiens en raison de ce mystère, se montre aussi leur mère par sa sollicitude et par sa tendre affection. Elle n’est pas sans cœur pour ses fils, comme s’ils ne lui appartenaient pas ; ses entrailles n’ont enfanté qu’une fois, mais elles ne sont jamais épuisées, elles ne cessent jamais de produire des fruits de tendresse. Car le Fruit béni de tes entrailles, ô tendre Marie, a laissé ton sein porteur d’une inépuisable tendresse. Il est né de toi une seule fois seulement, mais toujours il demeure en toi et se répand en toi ; et, dans le jardin fermé de la chasteté, il fait constamment abonder les eaux de la source scellée de la charité. Bien que scellée, cette source s’écoule cependant au dehors, et ses eaux nous sont distribuées sur les places publiques.
En effet, la source de la charité appartient en propre à l’Eglise ; l’Eglise met cependant sa joie à en répandre le bienfait même sur ses ennemis. Et si le serviteur du Christ engendre toujours de nouveaux enfants par sa sollicitude et son tendre amour jusqu’à ce que le Christ soit formé en eux, combien plus le fera la Mère du Christ elle-même ! Paul, lui, les a engendrés en leur prêchant la Parole de vérité, grâce à laquelle ils ont été régénérés ; mais Marie l’a fait bien plus divinement et saintement en engendrant la Parole elle-même. Je loue certes en Paul le ministre de la prédication, mais j’admire et vénère plus encore en Marie le mystère de la génération.