Sur Jean 1,36-42
Maître, où demeures-tu ?

Guillaume de saint Thierry
La contemplation de Dieu, SC 61, p. 123s

Seigneur Jésus-Christ, Vérité et Vie, délivre mon âme de toute idolâtrie. Fais qu’avec toi elle se couche, qu’elle se repaisse de toi au midi de la ferveur de ton amour. C’est qu’en effet mon âme songe à toi, à l’image de laquelle elle a été créée ; qu’elle lutte pour être attentive à ta face. Qu’elle ne soit pas forcée de rentrer dans sa demeure de pauvreté.
Si le regard intérieur de la raison et de l’amour n’a rien sur quoi se poser pour que l’affection se repose, que l’attention s’y fixe, que le fruit de l’amour s’y dépose, alors la contemplation s’émousse, la prière s’attiédit, l’attention se lasse, l’intelligence s’affaiblit, et la raison devient impuissante !
Ô mon Seigneur, réponds-moi, je t’en prie ! Maître, où demeures-tu ? Viens, dit-il, et vois ! Ne crois-tu pas que moi je suis dans le Père, et que le Père est en moi ? grâces à toi, Seigneur, ce n’est pas rien ce à quoi nous sommes parvenus : ton lieu, nous l’avons trouvé. Ton liue, c’est ton Père ; et le lieu du Père, c’est toi. De par ce lieu, tu es localisé ; mais cette localisation qui est la tienne, elle est de loin, plus haute, plus secrète que toute localisation. Cette localisation, c’est l’unité du Père et du Fils, la consubstantialité de la Trinité.
Et quoi ? Avons-nous seulement trouvé un lieu au Seigneur ? Bien mieux, ô mon âme, fais effort tant que tu peux, moins par l’efficacité de la raison que par l’affection de l’amour. Et si le lieu de Dieu, c’est Dieu, si cette localisation est la consubstantialité de de la Trinité, rejette toute imagination usuelle du lieu, et comprends que Dieu, tu l’as trouvé en lui-même. Lui-même le montre, qui est d’autant plus vraiment et certainement, que c’est de lui-même, en lui-même, par lui-même, qu’il est ce qu’il est.
Et si quelquefois, en notre oraison, nous tenons les pieds de Jésus, et, attachés à la forme de son humanité, qui fait une seule personne avec le Fils de Dieu, nous n’errons pas, mais cependant nous retardons et empêchons l’oraison spirituelle. Lui-même nous le dit : Il est bon que je m’en aille. Si je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas à Vous.