Sur Is 42, 1-8 . 49, 1-9
La manifestation du Mystère
Père Jean Corbon
Liturgie de source, p. 29s

Alors paraît Jésus, venant de Galilée au Jourdain vers Jean pour être baptisé par lui. Jésus va vers l’homme pour être plongé par lui jusqu’au baptême de sa mort. Quand Jésus paraît, le Mystère d’amour qui a pris corps en lui pénètre le signe où il s’exprime : le fleuve de vie, caché avant les siècles, est plongé dans le fleuve du Jourdain. Le plus humble et le plus dérisoire des fleuves d’alors devient le signe qui porte en lui le Mystère. Jésus est baptisé dans l’eau et c’est le signe, mais la réalité manifestée est que, depuis lors, la chair et le temps, l’homme et le monde, sont pénétrés par le Verbe de Vie qui les a revêtus une fois pour toutes.
Quand le Christ parle, ses auditeurs écoutent l’homme Jésus, et c’est le Père qui se dit en son Verbe incarné. Même si la foi n’a pas encore percé ce mystère d’unité entre lui et son Père, les gens les plus simples ne peuvent ne peuvent pas ne pas s’en étonner : Jamais homme n’a parlé comme cela ! Quand Jésus agit, la moindre de ses réactions, les plus humaines, et pas seulement ses actions « étonnantes » exprime un reflet du mystère du Père. Si Jésus est humble, ce n’est pas pour faire semblant ni pour nous accommoder à sa sainteté, mais c’est vrai de la vérité de l’homme et de la vérité de Dieu : le Père est humble au-delà de tout ce que nous pouvons concevoir. Lorsque Jésus pleure, c’est que la souffrance mystérieuse du Père très aimant est vraiment entrée dans notre chair. Tout l’Evangile serait à relire dans cette lumière théophanique : chaque aspect de la kénose du Verbe, c’est-à-dire notre condition humaine authentique, manifeste le Saint de Dieu qui s’y est plongé. De par le baptême du Fils en notre humanité, toute chair est imprégnée de la Présence du Tout-Autre. Irréversiblement le temps est oint de sa Plénitude. Ce n’est pas encore notre réponse, ni notre participation, mais désormais le fleuve de Vie a retourné le sens de l’Histoire
Cet avènement, le Père lui-même le scelle de son témoignage : Celui-ci est mon Fils bien-aimé qui a toute ma faveur. Celui-ci ? Cet homme que l’on voit et que l’on croit être le fils de Joseph est en fait le resplendissement de la Gloire du Père. Etre inséparablement Dieu et homme, c’est accueillir sans cesse la Nouveauté de la Vie du Père, et hériter, par la Mère Virginale, de tout l’humus de notre humanité. La source est là, c’est le cœur du Serviteur : lieu de la Passion de Dieu et de la passion de l’homme. Là, Dieu est né en l’homme, et l’homme en Dieu : c’est dans ce cœur, dans la kénose ultime, que le Fleuve va sourdre et que la Gloire du Père se révèlera. Alors toute chair le verra : ce sera l’Heure de Jésus, l’Evènement du Mystère.