Sur Romains 2, 17-29
La circoncision du cœur
Père Stanislas Lyonnet
Etudes sur l’épître aux Romains, p. 77s

Le vrai juif est circoncis au-dedans, dans le cœur, selon l’esprit, non selon la lettre. La notion de circoncision du cœur est connue bien avant saint Paul. Elle est propre au Deutéronome, à Jérémie qui la lui emprunte, ainsi que quelques textes dérivés. Cette notion se retrouve dans le Judaïsme contemporain de Paul ; par exemple à Qumrân, dans le Manuel de discipline : Que soit circoncis dans la communauté le prépuce du mauvais penchant et de la nuque raide afin de pratiquer la vérité, l’union et l’humilité, la justice et le droit, ainsi que l’amour bienveillant, de sorte que nul ne s’avance dans l’obstination de son cœur.
Dans le Deutéronome (10,16), la formule « circoncisez votre cœur » semble bien résumer ce qui précède ce verset : craindre Dieu, suivre toujours ses voies, l’aimer, servir Yahvé de tout son cœur et de toute son âme, garder les commandements et les lois de Dieu, faire droit à l’orphelin et à la veuve, aimer l’étranger jusqu’à lui donner du pain et des vêtements.
C’est déjà suggérer que l’amour désintéressé du prochain résume toute la Loi, comme l’enseignera clairement tout le Nouveau Testament, et par conséquent insinuer pour le moins que le païen au cœur circoncis observe les préceptes de la Loi dans la mesure exacte où il pratique le précepte Tu aimeras ton prochain comme toi-même, exactement ce que saint Paul dit du chrétien dans la Lettre aux Romains (13,8-10).
Mais le Deutéronome ne se contente pas de proclamer la nécessité de la circoncision du cœur ; celle-ci suppose (30,6) qu’elle est opérée non plus par l’homme qui circoncit son cœur, mais par Dieu lui-même : Le Seigneur ton Dieu circoncira ton cœur et le cœur de ta postérité en sorte d’aimer le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur et de toute ton âme, afin que tu vives. Dans la pensée du Deutéronome, la circoncision du cœur implique donc un véritable renouvellement de l’homme ; le Judaïsme contemporain de Paul rapproche visiblement circoncision du cœur et don de l’esprit saint. Quoi qu’il en soit, en déclarant que des païens ont le cœur circoncis, Paul suppose ce qu’avait déjà suggéré le sens qu’il attache partout ailleurs à l’opposition entre la lettre et l’Esprit : il entend parler de gens intérieurement transformés par une opération de Dieu lui-même.