sur Romains 4, 1-25

L’appel de Dieu

 

Guillaume de Saint-Thierry

Exposé sur l’épître aux Romains, SC 544, p. 267s

 

Je t’ai établi père d’une multitude de nations, devant Dieu à qui tu as cru, lui qui fait vivre les morts et appelle les choses qui ne sont pas comme elles sont. Il appelle, parce que lui-même a fait les choses à venir, il a prédestiné en nous la nature et la grâce. Dieu fait aussi que nous soyons non seulement des hommes, mais encore des fidèles, et il fait la justice elle-même si nous sommes justes. Et tous ceux qu’il a élus pour cela, il les a en lui-même, non dans sa nature, mais dans sa prescience. C’est ce que veut dire : devant Dieu. Assurément, est déjà fait devant Dieu ce qui, dans son dessein, est à venir.

Et il appelle les choses qui ne sont pas comme elles sont. Il ne les appelle pas pour qu’elles soient, mais il les appelle pour des choses qui sont. Ils n’étaient pas encore tels ceux qui furent objets de la promesse, pour que nul ne se glorifie de mérites antérieurs. Et ceux à qui la promesse a été faite sont eux-mêmes objets de la promesse, en sorte que le corps du Christ tout entier dise : C’est par la grâce de Dieu que je suis ce que je suis. Voilà la grâce dont il est dit que Noé, Moïse, et d’autres saints l’ont trouvée, tel un grand trésor, l’Ecriture disant : Il a trouvé grâce aux yeux de Dieu. Mais il faut encore noter ce que Paul dit plus haut : C’est pourquoi cela vient de la foi afin que, conformément à la grâce, la promesse soit ferme, comme s’il voulait montrer que si la promesse avait dépendu de la Loi, elle ne serait pas ferme. Il en est ainsi parce que ce qui vient de la Loi nous est extérieur, mais ce qui provient de la grâce nous est intérieur. Car ce qui relève de la Loi est écrit sur des tablettes ou des parchemins, mais ce qui relève de la grâce est inscrit dans nos cœurs par le doigt de Dieu, c’est-à-dire par l’Esprit Saint. Assurément, l’âme fidèle, remettant à Dieu la foi que lui-même lui a donnée, l’offre fidèlement au Saint-Esprit, comme une cire toute-prête pour qu’il lui inscrive ce qui lui aura plu. Ce que l’Esprit y aura inscrit par son amour, le sentiment intérieur d’affection le garde inviolablement pour l’éternité. C’est cela la foi qui est comptée comme justice, et qui est devenue capable de recevoir la grâce.

C’est ce qui arrive à toute la descendance d’Abraham, non seulement à celle qui vient de la Loi, c’est-à-dire celle qui est réputée fille d’Abraham par la seule imitation de la foi de de celui qui fut établi pères de tous les croyants, tant Juifs que Païens.