sur Matthieu 26, 36-46

« Père, s’il est possible, éloigne de moi ce calice »

Saint Ambroise de Milan

Traité sur l’Evangile de saint Luc, sermon 10, 56, SC 52, p. 175s

 

Je ne vois pas qu’il y ait sujet d’excuser le Christ d’avoir prononcé cette phrase, mais nulle part je n’admire davantage sa tendresse et sa grandeur : le bienfait que me procure sa Passion eût été moindre s’Il n’avait pris mes sentiments. C’est donc pour moi qu’il s’est affligé, n’ayant en Lui aucun motif d’affliction. Mettant de côté la jouissance de sa divinité éternelle, Il se laisse atteindre par la lassitude de ma faiblesse. Il a pris ma tristesse pour me prodiguer sa joie ; sur mes pas, Il est descendu jusqu’à l’angoisse de la mort afin que je sois rappelé à la vie. Je n’hésite donc pas à parler de tristesse puisque je prêche la croix. C’est que le Christ n’a pas pris de l’Incarnation seulement l’apparence, mais bien la réalité. Il devait donc aussi prendre la douleur afin de triompher de la tristesse et non de l’écarter. On ne saurait être loué pour son courage si l’on a connu des blessures que l’étonnement sans la douleur ! Homme de douleurs, sachant porter les souffrances, il a voulu nous instruire. L’histoire de Joseph nous avait appris à ne pas craindre la prison ; dans le Christ, nous apprenons à vaincre la mort, mieux encore à vaincre l’angoisse de la mort à venir. Comment T’imiterions-nous, Seigneur Jésus, à moins de Te suivre dans ton humanité, si nous ne croyions que Tu es mort, si nous n’avions vu tes blessures ? Comment les disciples auraient-ils cru qu’Il allait mourir s’ils n’avaient constaté l’angoisse d’un mourant ?

Et les disciples dorment, ignorent la douleur, eux pour qui le Christ est dans la douleur. Il porte nos péchés et il souffre pour nous, lit-on chez Isaïe (53,4). Tu souffres donc, Seigneur Jésus, non de tes blessures, mais des miennes, non de ta mort, mais de nos infirmités. Et nous Te regardons en proie à la douleur, et Tu souffres non pour Toi, mais pour moi. Tu es faible à cause de mes péchés, et cette faiblesse, tu ne l’as pas reçu de ton Père, tu l’as prise pour moi, car il m’était bon que l’enseignement que me rend la paix soit en Toi et que tes blessures guérissent mes plaies. Quelle merveille : pour tous il a souffert quand pour un seul Il a pleuré ; quelle merveille : au moment de souffrir pour tous Il défaille ; il pleure au moment de ressusciter Lazare. C’est que les larmes d’une sœur aimante ont touché son cœur. Et maintenant un désir profond le fait agir : de même qu’en sa chair il détruit nos péchés, de même l’angoisse de son âme dissipe l’angoisse de la nôtre.