Mt 19,27-29

Le détachement

Père Jean Radermakers

Au fil de l’évangile selon saint Matthieu, p. 26s

             Le jeune homme riche demandait ce qu’il devait faire pour avoir la vie éternelle : dans sa réponse, Jésus renverse la perspective : il faut laisser pour recevoir.

            L’impossibilité à se faire petit pour entrer dans le Royaume est soulignée par Jésus, et reprise par les disciples stupéfait : Qui de fait peut être sauvé ? Jésus insiste : Pour les hommes, cela est impossible, mais pour Dieu tout est possible. Le Royaume n’est pas un bien qui se gagne ou se possède : il doit se recevoir gracieusement. Nous sommes au cœur de la révélation du Royaume et de l’option qu’il requiert : ou l’on meurt à soi-même pour se recevoir tout entier de Dieu dans la communauté des petits, ou l’on fait mourir l’accomplissement.

            Les disciples l’ont-ils saisi ? Il semble que non, à lire la question de Pierre qui se préoccupe encore de récompense. Chez Matthieu seul, cette question introduit le thème de la rétribution développé dans la parabole des ouvriers envoyés à la vigne. D’où l’évocation du jugement et du rôle joué par les disciples comme assesseurs du souverain Juge, occupant les trônes préparés lors de la régénération, évocation que nous retrouverons chez Luc dans le cadre de la dernière Cène. Les Douze ont tout quitté pour suivre Jésus : leur famille, leur milieu religieux, leurs biens. Leur engagement inconditionnel pour le Royaume juge déjà l’attitude d’Israël. Par grâce, ils sont arrivés les derniers pour hériter des promesses garanties par Dieu à son peuple et qui trouvent leur accomplissement dans la communauté de Jésus, l’Eglise. Jésus ne nie ni la rectitude de leur détachement, ni leur participation au Royaume eschatologique, mais il met en vive lumière la condition réelle de cette participation : tout laisser afin de recevoir un centuple. Il n’y a donc à se prévaloir d’aucun titre de préséance ou de rang d’ancienneté, car beaucoup de premiers seront derniers, et de derniers premiers. Cela vaut tant pour Pierre et les disciples que pour les chrétiens de l’époque matthéenne ou d’aujourd’hui.